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    Des dépenses de santé inutiles

    © Isabelle AUBERT-BAUDRON

Cette série d'articles n'est pas consacrée à des travaux de physique, mais à des aspects cachés de l'économie de marché que j'ai pu observer dans le domaine de la santé, et d'éléments d'information complémentaires parus dans la presse. Comme les trous noirs en physique, de par leur caractère " invisible ", ils ne se détectent que par leurs effets sur l'environnement. Votre intrépide reporter a enquêté sur ce niveau de l'économie moderne.

a) Du matériel médical en fonction d'intérêts financiers privés:

Dans certaines maisons de retraite privées, j'ai été frappée par la consommation de pansements onéreux et parfois inutiles. Je n'avais jamais vu autant de sortes de pansements dans un seul établissement, même en service de chirurgie: il y a là tout ce que la pharmacopée fait comme pansements et matériel de toute sortes, au point que je m'y perds. Tout comme un médecin qui vient voir une malade à qui je fais un pansement d'escarres, surpris devant le nombre de boites entassées sur le chariot, et ne sachant lequel prescrire.

Parmi ce matériel, l'incontournable comfeel adhésif, utilisé pour la plupart des pansements, et mis systématiquement sur toute petite plaie.

Un résident a des plaies superficielles aux points d'appuis des fesses. Il a la peau très fragile et est incontinent. Ses plaies sont recouvertes de comfeel, dont une partie se décolle tous les jours du fait de son incontinence. Ce qui implique que chaque fois que ses pansements sont refaits, il faut enlever la plaque collante, dont la partie qui n'est pas décollée arrache automatiquement le début de la croûte qui vient de se former, entraînant des saignements, et entretenant les plaies.

Je décide de changer de mode de pansement, recouvre la plaie de physiotulle, puis d'une compresse sèche que je fixe avec du méfix. Le lendemain, la plaie est sèche, recouverte d'une croûte et en voie de cicatrisation. Je refais le même pansement pendant mes jours de présence et les plaies guérissent.

Je préviens la femme du résident de ce changement, et elle me dit à mon grand étonnement qu'elle avait eu le même problème avant que son mari n'aille en maison de retraite : elle lui faisait ses pansements et avait d'elle-même abandonné le comfeel pour le physiotulle et la compresse, et ne comprenait pas pourquoi on lui remettait sans cesse du comfeel.

Rencontrant la pharmacienne qui livre les commandes de matériel, celle-ci me signale les différences de prix des pansements en fonction des marques, demandant qu'il soit inscrit dans les consignes que les familles des résidents soient consultées sur le choix des produits, certains étant plus chers que d'autres. Me penchant sur le prix du comfeel payé par ce patient en plus du prix de journée de la maison de retraite, et dont une partie est à sa charge, j'ai été assez effarée du résultat :

http://www.fournisseur-medical.com/materiel-medical-de-soins/pansements-avances/comfeel-coloplast.html

Comfeel + transparent :

40,56 € TTC Dimension: 10 x 10cm. Boite de 16.

57,16 € TTC Dimension: 15 x 15cm. La boite de 10.

101,56 € Dimension: 20 x 20cm. La boite de 10.

Ainsi le patient payait-il par jour pour ses pansements avec comfeel, à raison de 2 comfeels par jour : 5,07 €

* En comparaison, le prix d'un pansement avec compresse et méfix :

Compresse non tissée non stérile 5 x 5 cm Boite de 100 compresses : 1,13 € TTC

Compresse non tissée non stérile 10 x 10 cm Boite de 100 compresses 2,99 €

Compresse non tissée stérile 5 x 5 cm Boîte de 100 compresses : 3.50 €

Compresse non tissée stérile 10 x 10 cm Boîte de 100 compresses : 7,85 €

Sparadrap : http://www.equipmedical.com/c-sparadrap-3m-c162.html

Méfix: rouleau 10 cm X 10 m = 8,89 €

voir http://www.medipost.be/medias/pdf/catalogue/catalogue-bandagisterie.pdf

* prix d'un pansement stérile avec compresse et méfix : 0,10 € maximum.

Ainsi, dans le cas du patient dont j'ai changé le mode de pansement :

- deux pansements réalisés avec 2 plaques de comfeel de 10x10 cm = 5,07 euros.

- deux pansements réalisés avec compresse stérile et méfix : 0,20 euros.

Autrement dit, non seulement le pansement avec comfeel revient 28 fois plus cher que celui avec compresse, mais par-dessus le marché, il entretient la plaie dans le cas de ce patient au lieu de la guérir. En d'autres termes, ce n'est plus l'état du patient qui justifie le traitement, mais le patient qui est là pour être ponctionné par la firme qui produit le pansement, y compris s'il ne lui convient pas, et indépendamment de son avis ou de celui de son entourage. Quant à la " compétence " du personnel, elle s'évalue non pas en fonction de sa prise en compte des besoins réels de patients réels, mais de son cautionnement et de sa participation à cette gabegie. Suite à mon initiative, je me suis entendue reprocher d'avoir des lacunes en pratique infirmière pour ce qui était des pansements. Revenant de repos, je constate que le comfeel a été réinstitué, et que les plaies de ce patient sont de nouveau à vif.

Ce que je décris ici est une description des conséquences de cette gestion à la base de la pyramide, des faits auxquels je suis confrontée à mon niveau. En revanche, je ne peux émettre que des hypothèses sur l'origine des décisions prises à ce niveau. Mais quand j'entends parler de diminution des dépenses de la sécurité sociale et d'économies dans le cadre de cette économie de marché, je sais que j'ai affaire ici à un non sens : il est impossible de faire des économies dans le cadre d'une telle gestion qui repose sur la déviation des dépenses en fonction de la santé des gens vers des dépenses non nécessaires et inutiles servant des intérêts privés, qui s'exercent au détriment des soignés, du personnel qui les soigne, et au bout du compte de la sécurité sociale.

b) Révolution dans le traitement des escarres :

Autre changement apparu dans les formations infirmières est le traitement des escarres. Dans la mesure où ils sont provoqués par le manque d'irrigation des tissus, entraînant une nécrose, le traitement de base enseigné auparavant consistait à mobiliser les patients, et à leur administrer des massages fréquents et prolongés des points d'appuis à base de savon de Marseille et d'alcool modifié. Le coût du soin était infime sur le plan matériel, mais demandait une présence du personnel constante et une bonne organisation de celui-ci, autrement dit le temps de pouvoir le faire.

Parallèlement à la diminution des effectif sont apparus de nouveaux protocoles : les massages sont abandonnés au profit d'application superficielle de pommade biaphine (10 secondes), et pour les escarres en formation, de comfeel censé provoquer une irrigation miraculeuse des tissus et empêcher la formation de l'escarre. Je ne doute pas ici de l'efficacité de l'action du Saint Esprit, mais en revanche, il ne semble pas qu'il ait signé un contrat d'exclusivité avec Comfeel. Le résultat pratique en est qu'en l'absence du miracle attendu, les escarres reviennent, faute de soins pour les prévenir.

Une conséquence de la diminution du personnel infirmier : l'infirmière est devenue une « technicienne », qui se limite aux actes infirmiers, et les soins de nursing sont dévolus aux aides soignantes ou ASH. Si ces dernières oublient de signaler la formation d'une escarre, celle-ci peut se développer en toute quiétude, d'où une augmentation du nombre de celles-ci, qui auraient pu être évitées si la prévention avait été effectuée correctement.

Ce qui est quand même très surprenant ici, est la synchronicité entre l'apparition de l'économie de marché et la réforme des études d'infirmières, les modifications dans les programmes étant structurés en fonction des intérêts des laboratoires pharmaceutiques. Etonnant, non ?

c) Un reconditionnement des médicaments dépouvu de sens :

Dans une maison de retraite, les médicaments prescrits aux résidents subissent un conditionnement en arrivant dans l'établissement : des préparatrices en pharmacie passent 18 heures par semaine à l'effectuer, et la préparation journalière et la distribution prennent plus d'un temps plein infirmier sur les 3 infirmières présentes par jour. Ce système de conditionnement nécessite une presse électrique, tout un matériel conséquents : 4 plaquettes de plastique de différentes couleur abritant chacune un médicament prescrit pour un mois, une de chaque couleur (matin, midi, soir, nuit) multipliée par le nombre de médicament par personne, en moyenne 4 = 16 plaquettes par personne, multipliées par le nombre de résident (140) = 2400 plaquettes. Ce à quoi il faut ajouter les supports métalliques pour les maintenir ensemble, plus les supports des supports pour les suspendre au murs de la salle de soin, plus les 3 chariots de distribution de médicaments auxquels les accrocher et dans lesquels les transporter à chaque étage, plus de matériel de thermoformage (la presse, des emballages en PVC transparents et des feuilles d'aluminium pour les " blisters " ) Le tout produisant une masse de déchets non recyclables (PVC + aluminium + plaquettes plastique usagées + étiquettes).

Autrement dit, l'ensemble augmente le prix des médicaments distribués dans la place de manière affolante, diminue le temps de travail infirmier, effectué à toute vitesse, et ne laisse aucune place à la relation avec les résidents.

A en croire les gens qui l'utilisent, ce système de conditionnement des médicaments est compliqué à comprendre au départ, prend du temps à préparer, mais est censé être plus fiable car contrôlé par la préparatrice en pharmacie, qui compare toutes les ordonnances avec les feuilles de médicaments rédigées par les infirmières, remplit les blisters de médicaments, les presse, les met sous plaquette plastique, et colle les étiquettes avec les informations. Mais en réalité, il y a quand même des erreurs: oublis des changements de prescriptions médicales par les infirmières, mauvaise compréhension de la transcription de la posologie sur l'étiquette, dont la rédaction prête parfois à confusion, etc...

Aucune autre infirmière n'avait jamais vu ce système dans d'autres établissements, et moi non plus. J'ai recherché sur internet l'entreprise qui faisait ces blisters, mais n'en ai pas trouvé de similaire.

J'ai fait part de mon étonnement devant le temps pris par ce système à la pharmacienne, qui me l'a présenté comme la huitième merveille du monde, puis a orienté la discussion sur les erreurs qu'elle constatait dans les fiches de traitement infirmières, puis sur les ordonnances inutiles rédigées par les médecins, qui multiplient les visites de 5 mn en maison de retraite et les facturent à chaque fois, puis sur les bénéficiaires de la CMU, qui consomment une quantité de médicaments considérable sous prétexte qu'ils les ont gratuitement, et en jettent également une bonne partie. Enfin, tout y est passé sur les responsabilités du petit peuple dans la gabegie actuelle du déficit de la sécu, dans le style " tous pourris ", ce raisonnement étant censé justifier l'utilisation de tout ce matériel inutile.

Suite : Un mois de juin riche en affaires de fraudes

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