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  SCIENCE AND SANITY

Alfred KORZYBSKI  

CHAPITRE XXIII

REACTIONS CONDITIONNEES AUX NIVEAUX

SUPERIEURS ET PSYCHIATRIE 

Traduction: Isabelle AUBERT-BAUDRON

Translated with the permission of the Alfred Korzybski Literary Estate

      On a découvert chez le chien deux conditions pour provoquer des troubles pathologiques par des interférences fonctionnelles, à savoir un conflit inhabituellement intense entre les processus d'excitation et d'inhibition et l'influence de stimuli puissants et extraordinaires. Chez l'homme précisément, de semblables conditions constituent les causes habituelles des troubles nerveux et psychiques.

      I. P. Pavlov

      On a observé chez de nombreux animaux le fait que les troubles maximum de l'activité du système nerveux central n'apparaissent pas immédiatement après l'administration du stimulus provocateur mais après un ou plusieurs jours.

      I. P. Pavlov

 Les psychiatres comprendront facilement les implications nocives et structurellement fausses par rapport aux faits du terme "inhibition" au niveau neurologique quand ils considèrent que souvent la "douleur", la "peur", et différents "interdits" et "inhibitions" au niveau psycho-logique résultent de processus nerveux qui ne sont pas des facteurs inertes, éliminés, mais qui demeurent ce qu'ils étaient à l'origine - des facteurs d'excitation sémantique "réprimés" aux niveaux humains - et qui deviennent des facteurs très actifs et puissamment provocateurs dans de nombreuses maladies "mentales" et physiques.

Si on applique sérieusement le point de vue et le langage non-élémentalistes, il semble qu'on ne puisse pas échapper à la conclusion que le futur physicien s'appuyant sur des bases parfaitement scientifiques, structurelles, physico-chimiques et colloïdales, ne tentera jamais de séparer le "physique" du "mental" et il deviendra évident que différents processus nerveux actuellement appelés "inhibitions" jouent un rôle de premier plan, que l'on doit s'en occuper et ne jamais les négliger.

Le mécanisme des réactions conditionnées chez les animaux ressemble étonnement au mécanisme des maladies "mentales" chez les humains, du fait de leur relative inconditionnalité. Tout le travail de Pavlov en est une illustration pratique, bien qu'il n'ait pas mis en lumière cette relation spécifique. La compréhension de ce fait nous permettra de découvrir que certaines des expérimentations du Docteur Zavadski, réalisées dans le laboratoire de Pavlov il y a vingt cinq ans, révèlent un mécanisme neurologique sur lequel repose pratiquement toute la psychothérapie, et qui, par conséquent, apparaît très important et semble mériter une attention particulière.

Je ne connais pas le pourcentage de réussite de la psychothérapie, indépendamment des écoles scientifiques ou des cultes extra-médicaux qui la pratiquent, parce qu'on enregistre très souvent de nombreux échecs. Nous oublions généralement, ou nous ne réalisons pas, que les cas de réussites nous enseignent, structurellement, moins que les échecs, parce qu'il y a toujours une infinité de façons de pouvoir justifier d'un résultat positif, ce qui, au niveau structurel, est entièrement invalidé en tant que tel par un seul échec, si l'éventualité de ce dernier n'est pas prévue par la flexibilité structurelle de la méthode générale.

D'après le matériel que j'ai rassemblé (bien que j'aie pu me tromper) parmi chaque centaine de patients qui cherchent un réconfort dans la psychothérapie, cinquante ont complètement échoué. Les cinquante autres patients peuvent peut-être être divisés en deux groupes: le premier, disons, dix personnes, a été entièrement guéri; les autres quarante restants ont constaté une amélioration plus ou moins importante. L'analyse réalisée dans le présent ouvrage permet peut-être d'expliquer pourquoi le pourcentage d'échecs est si élevé. Il semble qu'aucune école de psychothérapeutes n'ait jamais analysé les maladies "mentales" d'un point de vue général non-élémentaliste, structurel et sémantique; et, bien que les physiciens se soient efforcés dans tous les cas d'abolir la relative inconditionnalité des réactions, leurs méthodes ne sont ni assez neurologiques, ni assez physiologiques, ni assez fondamentales.

Le langage utilisé dans ces théories scientifiques comprend des termes tels que "conscient", "inconscient", "répression", "inhibition", "transfert", "complexe", etc. Il semble ne faire aucun doute que certains de ces termes recouvrent peu de faits que nous connaissons par l'expérience ou l'observation et qu'ils puissent être structurellement corrects au niveau psycho-logique. Le mécanisme nerveux en jeu, bien que découvert il y a vingt-cinq ans, n'a généralement pas attiré l'attention des physiciens, et les théories postulées, manquant de bases neurologiques, sont souvent traitées de "spéculations tirées par les cheveux", un fait qui nuit en fin de compte à tout le mouvement psychothérapique et d'hygiène sémantique.

Les "psychologues" et les psychiatres sont très partagés quant au rôle que joue l'"introspection". Ceci est dû à la confusion des niveaux d'abstraction. Les animaux peuvent "sentir", ils peuvent "souffrir", mais ils ne peuvent pas décrire. Les humains diffèrent à cet égard; une personne donnée peut ressentir la douleur, celle-ci est tout à fait objective pour l'individu qui la ressent, et elle ne se situe pas au niveau des mots (niveau objectif); mais nous pouvons la décrire, cette description étant valable au niveau descriptif, un ordre d'abstraction supérieur au niveau objectif (qui est inexprimable pour l'individu donné). Si nous attribuons ce processus à d'autres, il ne s'agit plus d'une description mais d'une inférence ou d'une abstraction d'un ordre encore plus élevé, dont les affirmations doivent être vérifiées en établissant une moyenne. Les psycho-logiques sont scientifiquement (1933) impossibles sans la description des processus internes, et, par conséquent, sans une certaine "introspection"; c'est pourquoi le comportementalisme américain devient une discipline très naïve. Les comportementalistes ont de bonnes intentions sur le plan de la méthodologie, sans avoir pleinement conscience de ce qu'est la méthodologie scientifique. Ils condamnent catégoriquement l'"introspection", alors qu'ils l'utilisent sans arrêt. La conscience d'abstraire résout les énigmes des attitudes pro ou anti comportementalistes parce que, quand nous sommes pleinement conscients d'abstraire, nous ne devrions jamais confondre la description avec l'inférence, qui mettent en jeu des processus neurologiques de niveaux différents.

N'importe quelle discipline, pour être une "science", doit commencer avec les abstractions les plus basses possibles; c'est à dire les descriptions du niveau objectif qui est inexprimable. Dans les psycho-logiques humaines, l'"introspection" est le seul niveau de description possible, toutes les autres méthodes étant du niveau de l'inférence.

Les expérimentations du Docteur Zavadski furent menées pour rechercher le mécanisme des soi-disant "réflexes retardés". En général, dans les expérimentations où l'intervalle entre le stimulus conditionnant et le réenforcement par de la nourriture ou de l'acide est d'une durée de, disons, une à cinq secondes, la sécrétion salivaire se produit presque immédiatement après l'application du stimulus conditionnant. Si le délai entre les deux est plus long, disons, de quelques minutes, l'apparition des sécrétions salivaires est aussi retardée, la longueur de ce délai étant proportionnelle à la longueur de l'intervalle entre les deux stimuli.

Dans ces expérimentations, il y avait deux phases: celle dans laquelle le stimulus conditionnant n'a apparemment aucun effet; l'autre dans laquelle le stimulus conditionnant devient efficace. On poursuivit l'investigation pour découvrir ce qu'il advient de l'excitation due au stimulus conditionnant durant son apparente inactivité.

De nouvelles expérimentations ont finalement révélé un mécanisme étonnant. Une stimulation tactile a été utilisée pendant trois minutes comme un stimulus conditionnant à la place de l'acide et réenforcée, comme d'habitude, par l'application d'acide et l'on a alors obtenu une réaction conditionnée stable, différée. Mais quand on a superposé au stimulus conditionnant d'origine un stimulus parfaitement neutre, disons, le son d'un métronome ou un objet qui tourne sans bruit, sans jamais le relier à une quelconque stimulation alimentaire, on a obtenu immédiatement une importante sécrétion de salive ainsi que les réactions motrices particulières à un stimulus donné.

Nous voyons que, dans le système nerveux, le processus d'excitabilité a de tous temps existé sous une forme cachée, non manifeste et qu'il a été libéré par un stimulus neutre supplémentaire.

Des expérimentations similaires montrent clairement que la structure et la fonction du système nerveux central sont telles que certaines stimulations peuvent être cachées et deviennent apparemment inactives au niveau macroscopique, ne donnant pas de manifestation ni de réponse évidente, tout en préservant cependant leurs caractéristiques actives excitantes qui, grâce à un traitement approprié, peuvent être libérées à volonté. En physique, nous avons un phénomène similaire dans le cas de lumière "gelée", des piles galvaniques et des batteries d'accumulateurs, des gouttes de verre en forme de poire résultant de la fusion, qui explosent quand l'extrémité se casse et dans beaucoup d'autres, bien que les mécanismes sub-microscopiques soient probablement différents.

Il ne faut pas de grandes explications pour voir que le mécanisme nerveux découvert dans les expérimentations des comptes-rendus du Docteur Zavadski sur les niveaux humains recouvre un grand nombre de manifestations "mentales", y compris les "réminiscences", l'"inconscient", l'inhibition", les "complexes", et qu'il permet une généralisation plus avancée, à savoir qu'un léger trouble nerveux de "réminiscence", dans le sens d'inconditionnalité négative, peut être étroitement lié à un "complexe" sémantique pathologique.

Une autre expérimentation est en rapport étroit avec les problèmes d'"inconscient", d'"inhibition" et de "complexes" humains. Les réactions conditionnées positives étaient généralement obtenues en combinant sous certaines conditions un stimulus antérieurement neutre avec de la nourriture ou avec une légère réaction de défense à l'acide. Si le stimulus neutre n'est pas réenforcé, il perd de sa signification pour l'organisme, aucune sécrétion n'est obtenue, et il devient de ce point de vue un stimulus négatif. Si, avec un animal donné, on établit une réaction négative, elle peut, sous certaines conditions, être transformée en une réaction positive par réenforcement. Dans l'expérimentation que nous décrivons, on a utilisé un chien, avec une réaction alimentaire négative bien établie au tic tac du métronome au rythme de soixante tic tac par minute, alors que le rythme de cent vingt tic tac par minutes était utilisé comme un stimulus positif. Les deux réactions étaient constantes et précises. Le processus de transformation de négatif en positif s'est opéré lentement; après la dix-septième application avec réenforcement, on a obtenu une petite réaction salivaire; après le vingt-cinquième réenforcement, les sécrétions de salive étaient déjà considérables. On n' a observé aucun trouble défini dans d'autres réactions positives, à l'exception d'une tendance à l'égalisation des stimuli conditionnants forts et faibles.

Mais la réaction de sécrétion au stimulus transformé de soixante tic tac n'est pas restée constante, en dépit du réenforcement; elle a diminué, et après la trentième application, elle est tombée à zéro. On a noté, plus loin, qu'immédiatement après l'application du métronome au rythme de soixante tic tac par minute, pratiquement toutes les réactions positives les plus anciennes ont disparu. Après des expérimentations plus poussées, certains des effets positifs du métronome à soixante se sont reproduits, mais ses effets négatifs ou déprimants sur les réactions positives ont persisté. Dans tous les cas où le métronome à soixante n'était pas utilisé, toutes les réactions conditionnées positives ont conservé leur force, si ce n'est que les stimuli plus faibles avaient tendance à produire des effets moindres vers la fin de l'expérimentation. Bien que le métronome à soixante ou à cent vingt eut produit des sécrétions salivaires en quantités variables quand elles étaient utilisées seules, chaque fois que le métronome était utilisé, il s'en suivait une perturbation de toutes les réactions conditionnées, qui variaient de la complète disparition à une diminution des sécrétions. Le stimulus antérieurement positif de cent vingt tic tac du métronome produisit des troubles plus importants que le rythme négatif précédent de soixante tic tac. Une expérimentation plus poussée démontra que le cortex était profondément perturbé et qu'il ne pouvait supporter aucune sorte de stimulus plus puissant sans produire des résultats entièrement négatifs. Il devint également évident que la perturbation maximum dans l'activité du système nerveux centrale de l'animal (et de l'homme) n'apparaît pas immédiatement après l'application du facteur nociceptif mais au bout d'un certain temps.

Puisque d'autres stimuli auditifs agissaient pendant ces expérimentations, Pavlov en conclut que "la perturbation doit être considérée comme un résultat d'une interférence fonctionnelle strictement localisée dans l'analyseur auditif, une lésion fonctionnelle chronique d'une certaine partie circonscrite, dont la stimulation produit un effet immédiat sur la fonction du cortex tout entier, et conduit finalement à un état pathologique prolongé" et qu'"il est évident que le trouble localisé de l'analyseur auditif est encore le résultat d'un conflit entre l'excitation et l'inhibition", auquel ce système nerveux particulier a des difficultés à s'adapter.

Ces expérimentations ont été effectuées sur un chien qui avait longtemps servi dans le laboratoire et qui appartenait au type qui a un système nerveux d'une excitabilité très négative. Les expérimentations menées sur des chiens qui ont un système nerveux d'une excitabilité très positive, bien que différentes dans les détails, ont conduit à des résultats généralement similaires; à savoir qu'un conflit entre les deux processus nerveux antagonistes a habituellement engendré une perturbation plus ou moins prolongée de la fonction du cortex, sous la forme d'une prédominance durable de l'un des processus.

L'expérimentation sur les réactions conditionnées chez les animaux tels que le chien, en induisant des états pathologiques du système nerveux, nous donne, sous une forme simplifiée, un moyen de comprendre le mécanisme qui sous-tend certaines des maladies "mentales" humaines, à condition que nous réalisions le fait fondamental que ces expérimentations sur les chiens correspondent, sous leur forme la plus simple, aux maladies "mentales" et non à l'équilibre chez l'homme. Les expérimentations ci-dessus seraient impossibles avec une personne en bonne santé; cependant elles dépeignent exactement ce qui se passe dans le cas de maladies "mentales". Les expérimentations ont commencé avec un animal en bonne santé et elles ont fini avec un cas pathologique. Si de semblables expérimentations étaient entreprises sur une personne en bonne santé, il ne s'en suivrait aucun résultat pathologique en raison de la conditionnalité plus importante des réactions.; mais chez les humains on obtient des résultats pathologiques similaires par différents moyens, la confusion des niveaux d'abstraction étant un mécanisme sémantique courant qui provoque le "conflit" entre les excitations positives et négatives que le système nerveux de l'homme ne peut résoudre si facilement.

A suivre

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