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Les fiches de poste: des cartes non similaires aux territoires © Isabelle AUBERT-BAUDRON 1. Les fiches de poste: Une des conséquences de l'infogérance dans le travail des salariés, est l'apparition des incontournables " fiches de poste " réalisées par des audits, généralement des infirmiers-cadres travaillant pour des centres de formations infirmiers (IFSI) . La " masse salariale " servant de manne terrestre aux stocks-options et autres rétributions occultes, l'argent dévolu aux salaires, et partant de là, aux salariés, fond comme neige au soleil, et avec lui, le nombre de ces derniers. Afin de pallier au manque de personnel, les entreprises sont conviées à faire appel à ces audits qui viennent sur place, et concoctent des " fiches de poste " pour chaque catégorie de personnel, en échange d'une somme généralement rondelette, en dépit du fait qu'ils sont eux-mêmes des agents des services publics, déjà payés pour leur temps de travail (double facturation). Voici la fiche de poste qui m'a été remise à mon arrivée dans une maison de retraite de 99 résidents. Réalisée pour deux infirmières à temps plein et une à mi-temps.
Elle comporte deux parties : · Les feuilllets 1, 2,3, 4, 5 et 6 consistent en un emploi du temps minuté pour chaque jour de la semaine. · Les feuillets 9, 10, 11, et 12 contiennent la somme des démarches à réaliser dans des circonstances données : o Lors de l'entrée d'un résident: p. 9: pas moins de 53 gestes à faire dont un remplissage de paperasserie qui dépasse l'entendement, o Lors d'une sortie d'un résident: p. 10: o hospitalisation: 12 démarches différentes, o rendez-vous: 10 démarches différentes, · Lors du retour d'un résident: p. 11: 13 démarches différentes · Autres activités: p. 12: 34 tâches différentes. - Planning des visites des médecins, autres services, gommettes, pharmacie: p. 8. Or, quand on passe à la pratique, il y a, comme on dit maintenant, comme un " petit souci " : le seul problème, qui n'a pas effleuré l'esprit du génial auditeur qui a conçu ces fiches, c'est que les tâches des pages 9, 10, 11 et 12, multiples et variées comme le démontrent ces documents, ne sont pas comptabilisées dans le temps de travail des fiches de poste journalières des pages 1, 2, 3, 4, 5 et 6. Or dans la réalité, les allées et venues des résidents surviennent souvent de façon imprévisible, obligeant l'infirmière à faire passer leurs besoins avant le respect du timing. En conséquence, si celle-ci veut accomplir l'ensemble du travail qui lui incombe, ce n'est pas 7 h 45 qu'elle travaille, mais plus de 10 heures. Les heures supplémentaires n'étant pas payées, elles doivent être théoriquement récupérées, ce qui est impossible vue la pénurie de personnel ; elles ne font alors que s'additionner : je connais un infirmier qui est parti en retraite avec plus de 200 heures de travail non récupérées et jamais payées !!!!!!!!!!!!! Également très ennuyeux : ce planning est réalisé pour deux infirmières à temps plein et une à mi-temps. En réalité, il fonctionne la plupart du temps avec une infirmière à temps plein et une à mi-temps, titulaires, les infirmières stagiaires embauchées en CDD étant licenciées avant la fin de leur contrat, au motif entre autres qu'elles ne se conforment pas à la fiche de poste. On constate, dans la phraséologie employée propre aux instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) mis en place dans ce contexte économique, une complète inversion des valeurs : une valeur humaine (personnel corvéable à merci et clients dévalisables sans limite) quasiment nulle, et des abstractions dépourvues d'existence réelle, autrement dit des bruits dénués de sens, érigés en valeurs absolues, quasiment déifiés : voir dans le document 12, les majuscule attribuées : " Noter sur les dossiers de soin les problèmes (Cibles), les Données, les Actions réalisées ou à mener, les Résultats : ce sont les transmissions ciblées " : les Cibles, les Données, les Actions, les Résultats, gratifiées de majuscules s'il vous plait ! Un système modélisé, élaboré sur la base de modèles dépourvus de scientificité, inapplicables, établis sur la base de critères de management déconnectés de la réalité. Le stakhanovisme version libérale. Très franchement, si le psychiatre qui m'a formée m'avait demandé, au cours de mes études, d'émettre une évaluation nosographique sur un système de ce genre, je l'aurais probablement vu comme une construction mentale délirante, élaborée par un psychotique certainement intelligent, mais complètement mégalo et coupé de la réalité. Ce qui permet de mieux comprendre l'horreur que la psychiatrie inspire à ces " gestionnaires ", et l'ardeur qu'ils déploient à la saborder. Dans ce contexte, la CEE serait bienvenue, avant d'aller plus loin dans les relations commerciales avec l'IASB (International Accounting Standards BoardConseil des normes comptables internationales), de demander que les membres de son petit club subissent une expertise psychiatrique. Un tel système mondialisé, c'est quasiment de l'hallucination collective. Ce n'est pas sous prozac qu'il convient de mettre ces gars-là, mais sous haldol retard, et d'urgence. J'ai vu des gens internés d'office pour moins que ça. L'emploi du temps de chaque jour est réalisé sur une base théorique en fonction de critères de rentabilité, mais sans tenir compte le moins du monde de la réalité de la vie et du travail en maison de retraite, et surtout pas des besoins des résidents. Autrement dit, la carte n'est pas similaire au territoire, cette fiche de poste est inapplicable; un peu comme si Michelin nous vendait des cartes de France qui omettrait une partie des villes et sur lesquelles les frontières ne correspondraient pas aux frontières réelles. Qui voudrait s'orienter avec de telles cartes ? Ainsi, l'audit, dont le prix n'est pas indiqué sur la fiche de poste, mais qui est généralement conséquent, étant incapable de répondre aux fonctions qui fondent son existence, se révèle une escroquerie pure et simple : · envers l'entreprise qui paye plusieurs milliers d'euros à l'auditeur, · envers le personnel mis en situation d'accomplir un travail dépassant de très loin ses capacités d'exécution et chargé par-dessus le marché d'endosser la culpabilité des erreurs inhérentes au travail dans de telles conditions, · envers les résidents, qui n'ont pas droit à la qualité des soins et des services qu'ils sont en droit d'attendre pour le prix qu'ils payent (voir la page 8 à la rubrique " Services ": un douche ou un bain tous les 15 jours !!!!!!!!!!!!!!!!!) et dont cette gestion du personnel et cette organisation sont susceptibles de mettre la santé et la vie en danger. · envers les services publics, au détriment desquels les sociétés d'infogérance font des bénéfices colossaux, · envers les États qui financent la normalisation comptable et les services d'infogérance. On comprend dans ces conditions pourquoi l' IASB refuse de rendre des comptes à quiconque sur la planète de son organisation et d'assumer la moindre responsabilité par rapport à celle-ci, pourquoi elle refuse de financer les réformes comptables qu'elle exige des autres (voir : 8. " Le monde capitaliste aura-t-il sa glasnost ? Les normes comptables internationales " (France Culture, " Le Bien Commun " 21/10/06, Antoine GARAPON, Nicolas VERON, Bernard COLASSE) Et ce n'est qu'un début, qui augure bien mal de ce que va donner la suite. Dans un pays dont les citoyens se sont, de surcroît, prononcés contre le traité de constitution européenne, tout cela a-t-il bien lieu d'être ? Il y aurait toutefois un moyen très simple pour réguler le système des fiches de poste: que les auditeurs qui les réalisent les mettent eux-mêmes à l'épreuve des faits au sein des lieux de travail, en les expérimentent eux-mêmes, ce qui serait la seule façon pour eux de prendre en considération l'aspect pratique: dans le domaine de la santé, les auditeurs sont des infirmiers cadres, tout à fait aptes à réaliser eux-mêmes le travail qu'ils exigent des autres; si donc au bout d'une semaine d'application, le travail infirmier qu'ils auront réalisé dans les services est conforme à leurs attentes, leurs audits pourront alors être considérés comme sérieux , et payés. Mais tant qu'ils n'auront pas eux-mêmes réalisé l'ensemble des tâches stipulées sur leurs fiches dans le temps défini, il serait plus réaliste de leur demander de revoir leur copie avant d'exiger le moindre centime, ou de retourner à leurs chères études afin de changer d'orientation professionnelle. 2. L'infogérance vue sous l'angle des relations employeur/employé: Ceci pose également des questions de bases concernant la définition et la nature d'un contrat et les relations employeurs/employés: Si j'en crois l'émission le Bien Commun de France-Culture 8. " Le monde capitaliste aura-t-il sa glasnost ? Les normes comptables internationales " (France Culture, " Le Bien Commun " 21/10/06, Antoine GARAPON, Nicolas VERON, Bernard COLASSE) , l' IASB prétend vouloir faire du " capitalisme contractuel ". Parlons-en! Qu'est-ce que le mot contrat implique ? Un contrat implique l'accord de tous les partenaires sur les mêmes bases, claires et transparentes, et le respect de ces bases par tous ceux-ci. Si les règles du contrat changent et s'exercent au détriment d'un des partenaires, il ne s'agit plus d'un contrat, mais d'un jeu truqué. Un contrat implique le libre accord des partenaires, sans quoi ce n'est plus un contrat, mais une obligation imposée par la force. Or un " contrat " dont les bases seraient à l'avantage d'un seul partenaire, qui refuserait de rendre des comptes à ses partenaires, et imposerait ses propres règles comme incontournables n'est pas un contrat, c'est un marché de dupes, dont les bases fausses déchargent alors les partenaires de leurs obligations et rendent le contrat nul et non avenu. Pour ce qui est des relations employeurs/employés : en l'occurrence, les compagnies d'infogérance sont employées des États, et dans le cadre du nôtre, elles sont à NOTRE service, et non l'inverse. Depuis quand un employé pose-t-il ses conditions, et donne-t-il à son employeur une date butoir pour les accepter (en l'occurrence le 3 novembre 2006 ) ? Depuis quand se considère-t-il comme dispensé de rendre des comptes à quiconque et déchargé de toute responsabilité ? Depuis quand trouve-t-il comme allant de soi de pratiquer une gestion occulte, qui s'exerce au détriment de son employeur ? Quel patron censé veut embaucher un tel employé ? Quelle lettre de motivation l' IASB a-t-elle présenté à la CEE pour se faire embaucher ? " Gestionnaires irresponsables, dénués de tout scrupules et de toute légitimité, considérant comme une insulte de devoir rendre des comptes à qui que ce soit ou de justifier du moindre résultat, et exigeant de redéfinir les règles comptables, cherchent États employeurs à piller tout en leur faisant croire qu'ils gagnent de l'argent. " ? On sombre quasiment dans un scénario sado-maso totalement dénué d'humour ! A ce compte-là, nous devrions exiger d'être doublement payés pour travailler dans un tel système et toucher des compagnies d'infogérance une prime pour servir de cobayes à de telles inepties, en plus de celui que nous sommes censés toucher pour notre travail. Le SMIC à 1500 euros par mois ? Et quoi encore ? Pour un travail sado-maso, nous devrions exiger des émoluments dignes d'une péripatéticienne : 100 euros de l'heure, oui ! sinon rien ! A en croire les sites en ligne, l'infogérance serait une manne pour les États employeurs. L'expression généralement utilisée pour désigner un tel gouffre entre le niveau des mots et celui des faits est " publicité mensongère ". Il me semble donc qu'il y ait quelques pendules à remettre à l'heure ici, et qu'il conviendrait que ces sociétés d'infogérance commencent par appliquer elles-mêmes envers les États qui les emploient les critères qu'elles exigent des autres avant de les leur infliger. Sans quoi, nos États, qui, en démocratie, et particulièrement en République (res publica), reposent sur la volonté du peuple, seraient légitimement en droit de leur adresser une lettre de licenciement. Et comme nos élus sont nos représentants, nous pouvons parfaitement, sous la forme de pétitions adressées à nos représentants: · Exiger d'eux qu’ils nous informent dans un premier temps du montant des contrats signés avec les ESN (entreprises de servces informatiques) : combien l’État Français, à savoir nous-mêmes, verse-t-il par an à ces compagnies, pour infogérer quoi exactement ? · En plus de l'argent des contrats d'infogérance signés dans notre pays, quelles sont les sources de bénéfices de ces sociétés ? Encaissent-elle des fonds supplémentaires sur les " économies " réalisées en supprimant aux citoyens les allocations auxquelles ils ont légalement droit, en éjectant des salariés, et combien ? (voir Enquête sur les calculs des agences de l'emploi ). · Décharger nos élus de toute responsabilité concernant les " contrats " signés et " honorés " dans de telles conditions, sans notre consultation et sans notre accord, faute de quoi nous sommes en droit de leur demander de rompre ces contrats, et les prier de bien vouloir flanquer ces parasites dehors sans autre forme de procès. Au cas où ils refuseraient de le faire, ces contrats n'engageant plus qu'eux-mêmes, ils pourraient alors payer cette société avec leurs deniers personnels. · Déposer plainte contre les comportements illégaux qui se développent au sein de l'administration, aux niveaux national, européen, et international. Documentation complémentaire: Monde Diplomatique : Dérégulation en direct Service public, danger Sur les fiches de poste: LA LETTRE DU CEDIP "EN LIGNE" : Pourquoi une fiche technique sur le thème "fiche de poste" ? |