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Dénonciations calomnieuses et méthodes mafieuses: quand les entreprises et les services publics deviennent des zones de non-droit

© Isabelle AUBERT-BAUDRON

Jeudi 21 décembre 2006 : La revue de presse de Mediscoop annonce:

" Les hôpitaux pourront difficilement payer les heures supplémentaires "

Les Echos, Le Parisien

Les Echos reviennent sur le fait que " le gouvernement va relever [en 2007] le plafond annuel d'heures supplémentaires de 120 à 180 heures, et jusqu'à 220 heures pour les infirmières spécialisées, sages-femmes et manipulateurs radio ".

Le journal note que dans l'entourage du ministre de la Santé, " on précise que cet assouplissement [des 35 heures] ne constitue pas "le fer de lance de la politique hospitalière" ".

" Une manière de contenir le mécontentement des syndicats qui ont voté contre le projet de décret, à la mi-novembre ", remarquent Les Echos.

Le quotidien relève que " pour autant, les syndicats ne sont guère montés au créneau, certains reconnaissant que le déplafonnement est la seule solution à court terme " à la pénurie de soignants.
Les Echos indiquent que " l'inquiétude porte davantage sur la capacité des établissements à payer effectivement ces heures " supplémentaires.

Le journal cite notamment Gérard Vincent, délégué général de la FHF, qui remarque que " les établissements n'auront pas les moyens de faire face. Certains sont déjà obligés d'emprunter pour assurer les paies de décembre ".

Le quotidien note que " le ministère de la Santé assure "qu'une enveloppe est prévue dans le budget 2007 des hôpitaux" ".

Le Parisien estime pour sa part que l'on se dirige " vers la fin des 35 heures " dans les hôpitaux.
Le journal constate ainsi que " le gouvernement ouvre les vannes des heures sup ", et parle de " remise en cause à peine déguisée des 35 heures dans la santé publique ".

Le Parisien note qu'à l'hôpital, " le passage aux 35 heures fut largement acrobatique ", remarquant que " la réduction du temps de travail a aggravé la pénurie de soignants ".

Le quotidien relève que pour le ministère de la Santé, " loin d'être une remise en cause des 35 heures, ce décret répond à une "démarche pragmatique", à l'heure où certains établissements peinent à trouver, qui un manipulateur radio, qui des infirmières spécialisées ".

Le Parisien estime toutefois qu'" en ne fixant aucune limitation de durée à ces nouveaux quotas, le texte entérine, et pour longtemps, le principe de "travailler plus pour gagner plus" ".

Comparée avec les faits sur le terrain, cette nouvelle apparaît comme une désinformation de première grandeur :

Ces derniers mois, les hôpitaux publics éjectent au moyen de procédés de bas étage les infirmiers qui atteignent l'âge de 55 ans en les obligeant à partir en retraite anticipée.

Jean-Louis est un jour convoqué par la DSI (directrice des soins infirmiers) de l'hôpital, et pensant que cette entrevue est en relation avec une demande de congé sans solde, il s'y rend en toute quiétude. Une fois dans la place, il s'entend dire que des rapports ont été écrits par des aides soignants contre son comportement violent envers les malades du service. Afin de lui éviter le conseil de discipline, la DSI lui conseille de prendre sa retraite anticipée, faute de quoi il risque d'être rétrogradé et de perdre tous ses droits à la retraite.

Il tombe des nues, n'ayant jamais entendu parler de tels rapports. Etant l'un des derniers hommes travaillant en psychiatrie, et confronté à une situation de violence inédite jusque là, il lui arrive d'être appelé plusieurs fois par jour pour maîtriser des patients dans des services où ses collègues femmes sont incapables de faire face aux rapports de force constants.

Le médecin chef n'a pas été mis au courant de ces dénonciations et n'apprend l'éviction de l'infirmier qu'une semaine plus tard. Outré de tels procédés, il consacre trois réunions de synthèse à l'événement, et écrit au directeur de l'établissement le courrier suivant:

Monsieur le Directeur,

Il est inadmissible qu'un infirmier en poste depuis 30 ans se voit contraint de quitter ses fonctions, sous peine d'être traduit en conseil de discipline et rétrogradé, suite à des signalements de collègues, pour ses comportements " répréhensibles " envers les malades, sans que le médecin responsable de l'Unité et le Chef de Service aient été informés, destinataires de ces signalements.

Cette mise à l'écart des médecins est inacceptable, disqualifiés dans l'exercice de leurs responsabilités, ils ne seront plus en mesure d'aporter attention, soutien à l'équipe dès lors que la désignation d'un " bouc émissaire " tient lieu d'analyse des problèmes que peuvent poser des patients déficitaires, parfois violents et agressifs, ou opposants aux efforts des soignants.

" L'hallali " d'une personne par des autorités à distance des difficultés et non concernées par celles-ci, prive l'équipe des échanges , de la réflexion, de la confrontation nécessairement enrichissante des pratiques, et préalables à toutes proposition de mesures disciplinaires.

Mis hors jeu, le médecin, " court-circuité ", ne sera plus en capacité d'engager sa responsabilité dans l'organisation des soins, qui ici résultent de l'interactivité relationnelle, avec les patients, et des soignants entre eux.

En espérant un meilleur respect de notre implication auprès des équipes, dans le souci commun des soins et des malades, je vous assure, Monsieur le Directeur, de mes salutations les plus dévouées, au service des malades.

Dans le même hôpital, l'an dernier Dominique, infirmière cadre responsable d'une structure de jour en psychiatrie, est également l'objet de " signalements ", suite auxquels elle est mutée en service d'intra-hospitalier. Une fois dans ses nouvelles fonctions, l'équipe la boycotte et lui empoisonne l'existence, jusqu'à ce qu'elle décide de partir en retraite.

Relatant ces événements à mon médecin généraliste, celui-ci m'informe que l'année précédente, elle a été en butte aux mêmes procédés, suite auxquels elle a du quitter son poste à l'hôpital.

Toujours dans le même hôpital, à l'IFSI cette fois-ci, une élève admise en troisième année, suite à deux années d'études brillantes, voit sa santé mentale mise en cause à la fin d'uns stage aux soins intensifs: le patient dont elle était référente décède, suite à quoi elle pose des questions sur l'origine de sa mort à l'équipe sans obtenir de réponse. L'infirmière cadre du service chargée de l'évaluer, et dont l'encadrement n'a été au cours de son stage que purement théorique, écrit dans son évaluation de fin de stage qu'elle est obsédée par la mort et que son état psychique nécessite une prise en charge psychothérapique.

La directrice convoque l'élève avant les vacances, remettant en question sa santé mentale et par conséquent, son passage en troisième année en dépit de son admission, et lui dit que le conseil technique se réunira à son sujet en début d'année scolaire pour statuer à son sujet. L'élève passe ses vacances à angoisser sur la suite des événements.

A la rentrée, la directrice lui adresse le courrier dans lequel elle l'informe qu'elle doit subir une expertise psychiatrique avant de poursuivre ces études. L'élève s'y présente, et à la fin de l'entretien avec le médecin expert, celui-ci lui tient le discours suivant : "Vous êtes dans le collimateur de l'administration. Si je vous déclare apte, vous serez saquée lors de votre prochain stage et renvoyée de l'école. Je vais donc mettre que vous avez besoin de vous reposer pendant un an, suite à quoi vous pourrez réintégrer l'école et reprendre votre troisième année." En attendant, l'élève a le choix entre travailler comme aide soignante au cours de cette année, ou changer de direction professionnelle. Suite au résultat de l'expertise, la directrice de l'IFSI convoque l'élève et lui demande de lui adresser un courrier stipulant qu'elle aurait elle-même pris la décision de se mettre au vert pendant un an, ceci sous le prétexte de faciliter sa réintégration future, mais en réalité afin de rendre toute poursuite de la part de l'élève à son encontre impossible après son départ.

En ce qui me concerne, il y a un an, j'ai postulé pour un poste en psychiatrie dans le même hôpital après avoir rencontré l'infirmière cadre du service, qui était prête à m'accueillir, le service ayant besoin d'infirmières. J'ai ensuite rencontré la même DSI de l'hôpital, ainsi que plusieurs autres infirmières ce jour-là, mais aucune d'entre nous n'a été embauchée, l'administration prétendant auprès des cadres de psychiatrie qu'elle ne pouvait employer qui que ce soit faute de postulants pour le poste.

Ces événements amènent les réflexions suivantes:

- La question se pose alors du jeu joué par l'administration hospitalière, qui au niveau des mots, déplore la pénurie d'infirmières, alors que dans les faits, elle les éjecte purement et simplement pour les remplacer par des aides-soignants non formés aux soins infirmiers: ainsi à l'hôpital de Tours, l'infirmière travaillant aux soins intensifs a été également victime de " signalements " pour avoir refusé que les aides-soignantes pratiquent les gaz du sang, examen pour lequel elles ne sont pas formées, suite à quoi elle a été mutée. Or dans la mesure où elle aurait été pénalement responsable en cas de faute des aides-soignantes, étant censée leur " déléguer " ses fonctions, elle se trouvait ici dans une situation impossible sur le plan déontologique, tenue à la fois d'accepter de faire courir des risques aux patients, et d'endosser la responsabilité de erreurs commises par des gens sans formation.

Dans ces conditions, prétendre demander aux infirmiers de faire des heures supplémentaires n'est pas réaliste, outre le fait que cette décision est inapplicable. La technique consiste alors à prendre une décision qui ne sera jamais appliquée pour accréditer l'idée du manque d'infirmières.

La question se pose également du comportement d'une administration qui légitimise les dénonciations calomnieuses, sans les confronter aux faits réels, et en se gardant bien de consulter les médecins et responsables de services.

Ces comportements quasi mafieux, basés sur la légitimation du mensonge et des moyens de pression, sont parfaitement illégaux. Ils sont une honte pour un corps dont la raison d'être est le service du public. Les gens qui s'en rendent coupables sont dépourvus de toute éthique, et témoignent d'un mépris complet pour les soignants et pour les usagers de la santé publique, qui sont les premiers à faire les frais de la dégradation des conditions de travail.

Les méthodes de manipulation utilisées ici, alliées à des méthodes de gestion occultes qui se systématisent dans l'administration, sont similaires à celles utilisées par des groupes sectaires, et visent aux mêmes objectifs, à savoir le détournement d'argent et l'escroquerie.

La politique de santé de ces dernières années a pour conséquence une dégradation importante de la qualité de soins et du travail. Loin d'assumer ses responsabilités dans cette dégradation, l'administration les rejette sur les soignants et les sanctionne, alors qu'ils n'ont aucun pouvoir de décision sur les conditions qui ont conduit à cette dégradation, et que les décisions administratives s'exercent à leur propre détriment et à celui des patients.

Dans les faits, les syndicats ici ne représentent aucun contre-pouvoir, les représentants syndicaux démissionnant complètement quand ils sont saisis de telles affaires, et perdant ainsi le peu de crédibilité qui leur reste.

La question qui se pose ici de l'attitude à adopter face à ces comportements n'est pas une question d'orientation politique ni d'opinion, c'est une question de transgression de la loi, qui est la même pour tous, indépendamment du statut social, et à laquelle tous sont tenus de se conformer: qu'il se présente comme de droite, de gauche ou de tout ce qu'il voudra, tout citoyen, et à fortiori tout responsable économique et tout élu, est tenu de respecter la législation du pays, et sa constitution, faute de quoi il se situe hors la loi.

Or les faits démontrent qu'actuellement, les droits des citoyens ne sont plus inhérents à leur citoyenneté, mais proportionnels à leur statut: " Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. " (Jean de Lafontaine, Les Animaux malades de la peste, VII, 1). Il est éminemment regrettable de constater que les critères de " propreté ", les projets de nettoyage et les qualificatifs utilisés dans les banlieues ne soient pas appliqués aux chefs d'entreprise et aux directeurs des ressources humaines de ce pays, et que ce qui est considéré comme intolérable pour les premiers soit cautionné et institutionnalisé pour les seconds. Quand les entreprises deviennent des zones de non-droit, ce dont il est question, c'est de la fin de l'Etat de droit.

Enfin se pose la question de la crédibilité des différents acteurs qui prétendent combattre le chômage au niveau des mots, quand au niveau des faits ils participent sciemment à l'accroître. Le fait est que les gens réduits ainsi à des conditions de vie précaire, bien que privés de leur emploi, n'apparaîtront pas dans les statistiques du chômage.

Infos complémentaires:

HARCELEMENT MORAL: Remake des "Dix Petits Nègres": Enquête sur les facteurs de mortalité et de morbidité en milieu hospitalier et propositions pour en sortir

Harcèlement professionnel dans le cadre d'un CMP

Annexe

Alternatives Economiques: Licenciements, la grande triche:

http://www.alternatives-economiques.fr/site/253_005_licenciement.html

Les entreprises licencient de plus en plus leurs salariés pour motif personnel, afin de contourner la législation sur les licenciements collectifs.

Les salariés seraient-ils de plus en plus incompétents? C'est ce que pourrait laisser croire l'évolution des causes déclarées de licenciement. En 1994, 58% des 840 000 mises à la porte étaient consécutives à une liquidation judiciaire, une réorganisation de l'entreprise ou à d'autres motifs économiques. En revanche, aujourd'hui, les licenciements pour motif personnel, c'est-à-dire pour fautes, insuffisance professionnelle ou bien encore inaptitude, sont à peu près trois fois plus nombreux que les licenciements pour motif économique: en 2004, 76% des 750 000 licenciements étaient pour motifs personnel et 24% économiques. Un véritable phénomène de fond, indépendant des mouvements de la conjoncture (voir graphique).

Bizarre, bizarre... Bien sûr, certains salariés souhaitant démissionner négocient leur licenciement pour motif personnel, afin de pouvoir percevoir les allocations chômage, auxquelles n'ont pas le droit les démissionnaires. Mais ce cas de figure marginal ne peut suffire à expliquer une telle explosion. Christine Lagarenne et Marine Le Roux, deux chercheuses de la Dares, le service recherche et statistiques du ministère de l'Emploi, avancent donc "l'hypothèse qu'il y a eu un effet de substitution entre les deux types de licenciement, notamment dans les entreprises de plus de 50 salariés, soumises à de plus grandes contraintes en matière de licenciement collectif" (1). Autrement dit, pour se soustraire à ces contraintes, les entreprises transformeraient en licenciements pour motif personnel des licenciements qui devraient être économiques.

Un chèque contre une faute

Fin 2001, Alcatel Câble France (ACF) est en proie à de graves difficultés. Mais plutôt que d'annoncer des réductions d'effectifs et mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) - c'est-à-dire en français courant, un plan de licenciement collectif pour raison économique -, elle va proposer aux employés de son site de Conflans-Sainte-Honorine un licenciement pour motif personnel. Les volontaires devront accepter d'endosser une faute inventée par la direction (introduction d'alcool, utilisation de l'ordinateur à des fins personnelles, etc.). En contrepartie, ils percevront une indemnité transactionnelle, en plus de l'indemnité légale ou conventionnelle à laquelle tout salarié a droit. Déjà fragilisées par les mesures de chômage technique, plusieurs dizaines de personnes accepteront finalement le marché.

Entre ces licenciements, les démissions et les départs en préretraite, il ne reste plus sur le site, début 2003, qu'environ 300 des 600 salariés. C'est alors le moment que choisit Alcatel Câbles France pour lancer la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, qui sera effectif en septembre 2003... et offrira aux bénéficiaires des conditions de départ bien plus avantageuses: une prime de 60 000 euros pour deux ans d'ancienneté et différentes aides au reclassement. Nicolas Apostolov, qui avait été engagé en juillet 1999 par ACF et débauché en août 2002, avait, lui, touché 19 000 euros en signant sa transaction. S'estimant lésé, il a, comme plus de 170 autres salariés, engagé une action en justice. Le 9 novembre 2004, la cour d'appel de Versailles, considérant que "ces licenciements qualifiés pour motifs personnels constituent en réalité des licenciements collectifs pour motif économique" les a annulés.

Alcatel n'est pas la seule entreprise à avoir fraudé de cette manière. En 2001 et 2002, Matra a également "remercié", dans des circonstances similaires, plusieurs dizaines d'employés de son usine de Romorantin, avant de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi. Au moins, ces salariés d'Alcatel et de Matra ont-ils la maigre consolation d'avoir empoché une indemnité transactionnelle. Ce qui est loin d'être le cas de toutes les victimes de faux licenciements pour motif personnel. Jean-Philippe, qui travaillait comme visiteur médical pour un laboratoire pharmaceutique, a été licencié en mars 2004. "On m'a reproché, entre autres, un comportement déstabilisant mon supérieur hiérarchique!", explique-t-il. Mais la véritable raison de son licenciement semble être avant tout économique: en quelques mois, l'entreprise s'est en effet délestée d'une partie de sa force de vente sans la remplacer. Une vague de départs obtenus grâce à de nombreuses démissions et quelques licenciements pour motif personnel pour ceux ayant résisté aux pressions visant à les pousser à partir d'eux-mêmes.

Un licenciement deux fois moins cher

Les employeurs ont en effet tout à gagner à limiter les licenciements économiques, surtout s'ils sont collectifs. A commencer par éviter d'écorner leur image, comme l'a confirmé cet ancien directeur des ressources humaines à trois chercheuses - Florence Palpacuer, Amélie Seignour et Corinne Vercher - en sciences de gestion de l'université de Montpellier ayant réalisé en 2005 une enquête sur le licenciement pour motif personnel des cadres pour la Dares (2). "J'ouvre les pages du Monde, raconte-t-il, et qu'est ce que je vois? un superbe encart, une page complète, avec: " Les PDG des grands groupes s'engagent à ne pas faire de licenciements économiques"." Signé de notre PDG, entre autres... Et on était dans une logique où on était en train de se séparer d'un certain nombre de cadres (...) On aurait [dû] faire des licenciements économiques, mais impossible compte tenu de la signature de cette charte. Donc on a fait des licenciements transactionnels. " Lors des fusions ou des acquisitions, les présidents promettent d'ailleurs souvent qu'il n'y aura pas de plan social... sans préciser qu'ils tablent sur les départs en préretraite, les démissions "encouragées" et les licenciements pour motif personnel pour purger les sureffectifs.

Mais échapper à un plan de sauvegarde de l'emploi, normalement obligatoire lorsqu'une entreprise de plus de 49 salariés (3) prévoit de licencier au moins dix personnes en trente jours, permet surtout aux employeurs de se soustraire à de nombreuses contraintes: ce plan, qui vise à éviter les licenciements - ou du moins à en limiter le nombre - et à faciliter le reclassement du personnel, doit prévoir des formules d'aménagement du temps de travail, des formations, le soutien à la création d'activités par les salariés, etc. La Direction départementale du travail est tenue d'en vérifier la conformité et peut proposer des mesures complémentaires; l'employeur doit également consulter les représentants du personnel, etc. Cette procédure complexe allonge donc les délais, surtout en cas de recours devant les tribunaux, et peut même déboucher sur un conflit social si les discussions n'aboutissent pas. A contrario, licencier individuellement des salariés limite les "chances" d'en faire une affaire collective.

Enfin, les licenciements pour motif personnel coûtent généralement moins cher, même en y incluant le chèque accordé lorsqu'il y a transaction. L'indemnité légale de licenciement pour motif personnel (1/10e de mois de salaire par année d'ancienneté, entre deux et dix ans) est deux fois moins élevée que celle pour motif économique (certaines conventions collectives accordent toutefois des indemnités similaires quel que soit le motif de licenciement, et parfois plus avantageuses que ces planchers légaux). Et s'il y a plan de sauvegarde de l'emploi, les mesures obligatoires de reclassement alourdissent encore un peu plus la facture. Enfin, en cas de licenciements économiques, les employeurs ne peuvent choisir les salariés à remercier mais doivent respecter des critères prenant notamment en compte les charges de famille, l'ancienneté, l'âge, etc., alors qu'ils sont totalement libres de désigner les personnes licenciées pour motif personnel.

Et ils ne s'en privent pas. Dans le collimateur notamment, les salariés les plus âgés. En 2003, selon la Dares, 70% des licenciés de plus de 50 ans l'étaient pour motif personnel, contre 50% seulement en 1996 (1). "Sauf exceptions, l'Etat ne finance plus les départs anticipés à la retraite, mais l'habitude d'une politique d'éviction des "seniors", devenus une variable d'ajustement des effectifs, est restée", explique Amélie Seignour. Une politique qui s'appuie désormais sur les licenciements pour motif personnel. Surtout que certains motifs - la faute grave notamment - permettent à l'employeur d'être exonéré de la contribution Delalande, représentant de un à douze mois de salaire, dont il doit s'acquitter pour tout licenciement d'un salarié âgé de 50 ans ou plus

Les cadres plus touchés

Les cadres et les agents de maîtrise sont également plus concernés. En 2001, respectivement 29% et 24% d'entre eux déclaraient un tel licenciement comme motif d'inscription à l'ANPE - ce qui en fait, pour eux, la première cause de chômage devant les fins de contrat à durée déterminée (CDD) -, contre 13% des employés et 7% seulement des ouvriers non qualifiés (4). Si ces salariés sont plus touchés, c'est avant tout parce qu'ils sont plus nombreux à bénéficier d'un CDI plutôt que d'un CDD (qui ne peut, sauf exception, être rompu avant le terme fixé) ou d'un contrat d'intérim. Mais aussi parce que, dans les grands groupes notamment, le licenciement pour motif personnel est devenu un outil de gestion des cadres. "C'est très courant, et plus on monte dans la hiérarchie, plus c'est courant", reconnaît ce directeur des ressources humaines, cité dans l'étude qu'ont réalisée les trois chercheuses en sciences de gestion de l'université de Montpellier

"Des pressions à la réduction des effectifs s'exercent aujourd'hui de façon continue dans les multinationales, sous l'effet des réorganisations, fusions et acquisitions par lesquelles ces firmes cherchent à bénéficier d'économies d'échelle, tout en répondant à des exigences accrues en matière de rentabilité des capitaux investis", analyse Florence Palpacuer. La chasse aux sureffectifs provoquée par ces mutations, principalement dans les fonctions support (marketing, finance...) et de direction, est menée à grands coups de licenciements pour motif personnel. La redéfinition permanente du périmètre des grands groupes internationaux a en effet contribué à faire émerger "un nouveau mode de management des cadres basés sur le principe du marché". Un management qui se caractérise notamment par l'accélération des mobilités, les recrutements devenant privilégiés par rapport à la promotion interne et les séparations intervenant plus rapidement, mais aussi par l'évaluation systématique des résultats individuels.

Les non-cadres ne sont toutefois pas à l'abri. Surtout s'ils sont soumis à une gestion par objectifs. La fréquence des licenciements pour motif personnel dans le commerce, une famille professionnelle dominée par une main-d'oeuvre moins qualifiée mais à laquelle il est plus souvent assigné la réalisation d'objectifs, est d'ailleurs supérieure à la moyenne: 18% des motifs déclarés d'inscription à l'ANPE, contre 12,3% en général.

Une blessure pour le salarié

Ce basculement du licenciement pour motif économique vers le licenciement pour motif personnel n'est pas neutre. Ne serait-ce que parce que ce dernier est encore plus souvent ressenti comme une atteinte individuelle par le salarié. Surtout qu'il est fréquemment l'ultime étape d'une stratégie de mise sous pression qui vise à l'amener à démissionner et peut avoir des répercussions sur son état de santé. "IBM est coutumier du fait", explique Michel Perraud, délégué syndical CGT du site de Montpellier. Le géant de l'informatique n'hésite pas à pousser vers la porte les salariés dont il estime devoir se séparer. "Leur supérieur leur fait comprendre qu'il n'a plus besoin d'eux et les incite à démissionner. Si cela ne marche pas, il leur propose alors de les muter. En cas de refus, il dispose d'un motif de licenciement!"

Le licenciement pour motif personnel place également les employés sur un plan d'inégalité. Toutes les entreprises ne proposent pas une indemnité transactionnelle à ceux dont elles souhaitent se débarrasser, en contrepartie de leur engagement à ne pas contester leur licenciement en justice. Et tous les salariés n'ont pas le même pouvoir de négociation, soit parce qu'ils n'ont pas la même position stratégique dans l'organigramme, soit qu'ils n'ont pas le même degré d'information sur ce qu'ils pourraient obtenir devant les prud'hommes ou bien encore qu'ils n'ont pas les moyens financiers d'attendre l'issue d'une procédure longue au résultat aléatoire. Les non-cadres ont donc moins de chances de bénéficier d'une indemnité transactionnelle intéressante. "Et même chez les cadres, précise Corinne Vercher, seule une petite minorité d'entre eux, appartenant à l'élite managériale, a réellement la capacité de négocier à des conditions avantageuses un licenciement qu'ils ne vivront pas comme un drame, mais comme un épisode normal d'une relation d'emploi de plus en plus individualisée."

La banalisation des licenciement pour motif personnel n'est qu'une étape de plus dans cette individualisation, engagée depuis maintenant plus de deux décennies. Le poids des évolutions de carrière et des conventions collectives dans la fixation des salaires a progressivement diminué, au profit d'une gestion au cas par cas. Désormais, jusque dans les licenciements, via ceux à motif personnel, assortis ou pas d'une indemnité transactionnelle négociée. Comme si le contrat de travail était un échange de type commercial entre deux parties égales et librement consentantes....

Le Medef souhaiterait d'ailleurs aller encore plus loin dans cette voie, en obtenant l'inscription dans le code du travail d'un troisième mode de rupture du contrat, en plus de la démission et du licenciement: la rupture négociée. Ce qui pourrait avoir pour effet de rendre beaucoup plus fréquente encore cette modalité, qui relève pour le moment du code civil et est utilisée, par exemple, pour les plans de départ volontaire. Les syndicats y sont farouchement opposés, craignant que cet outil ne soit utilisé par les employeurs pour contourner les contraintes du licenciement (motif à préciser, indemnités légales...). Les licenciements économiques aujourd'hui déguisés en faux licenciements pour motif personnel deviendraient alors des ruptures à l'amiable... forcées.

Franck Seuret

L'Europe sous tutelle

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