Accueil - Présentation de la SG - Alfred Korzybski - Enseignement - 1 + 1 = 3 - Liens - Contact
Liste et contenu des séminaires - Inscription - Conférences - Dreamachines - Publication - Bon de commande

A. Korzybski, livres et traductions

Articles Sémantique Générale

Sémantique Générale et physique quantique

Sémantique générale et sciences humaines

Pour une économie non-aristotélicienne (blog)

Autres articles non-A

Bibliographie

Interzone Editions

Réglementation des psychothérapeutes : Les infirmiers psy sont ils des soignants ? Réponses aux questions posées par le projet Accoyer. (1)

© Isabelle AUBERT-BAUDRON

(liens actualisés le 07/04/2011)

Plan de l'article

1. Une réglementation pour quoi faire ?

2. Les infirmiers psy

3. Les bases de la psychiatrie officielle

4. Les formations non universitaires des thérapeutes actuels

5. Une autre relation à la folie

6. Bref rappel historique

7. Disparition des dossiers de formation

8. Que fait-on à partir de là ici et maintenant ?

1. Une réglementation pour quoi faire ?

La réglementation de la profession de psychothérapeute en préparation aura eu le mérite de poser la question de ce que recouvre le terme de psychothérapeute, en raison de la variété des pratiques inclues dans ce terme.

Que signifie t-il ? Un thérapeute est un soignant; un psychothérapeute est un soignant qui travaille dans le domaine du psychisme et de la relation d'aide.

Les critères retenus actuellement pour cette future réglementation portent sur la détention obligatoire d'un diplôme reconnu. Or ne semblent être retenues comme seules formations crédibles celles de psychiatres et de psychologues.

Selon les propos de Bernard Accoyer, cité dans l'Express n° 2730, "Il y avait deux risques: l'erreur de diagnostic due à des compétences insuffisantes et les dérives financières, sectaires ou sexuelles."

Examinons le contenu de cette phrase et les différents risques cités :

a) Pour ce qui est des erreurs de diagnostic, il importe de souligner qu'indépendamment des formations des psychothérapeutes, le diagnostic, quel qu'il soit, ne peut être posé que par un médecin.; un psychothérapeute non médecin ne peut poser de diagnostic, pas plus qu'il ne peut prescrire un traitement médicamenteux. S'il le fait, il commet une faute professionnelle.

Les psychothérapeutes non médecins diplômés (psychologues, infirmiers) travaillent sur la base de la psychiatrie classique, ainsi que, tout comme les psychothérapeutes non diplômés, de techniques de soins diverses apparues depuis les années cinquante et diffusées par des centres de formation, dont les multiples techniques de développement personnel.

A partir de là, interdire les psychothérapeutes non médecins pour éviter les erreurs de diagnostic n'est ni réaliste ni cohérent : cela reviendrait à fermer les boulangeries pour éviter le risque de vente de poisson avarié, ce qui serait une absurdité.

Quel est le but d'une thérapie ? "Le but que nous poursuivons consiste dans un premier temps à rendre au patient la vie vivable, et dans un deuxième temps, à lui redonner la joie de vivre. Parce que c'est cela la guérison." Roger Béthéleim

Concernant les autres dérives citées :

b) les dérives financières : le fait est que certains psychothérapeutes sollicitent des honoraires exorbitants. Le prix d'une consultation commence généralement à partir de 40 euros. Personnellement, je demande 30 euros par entretien. Les psychothérapeutes non médecins n'étant pas conventionnés, les clients ne peuvent se faire rembourser, ce qui exclue en théorie de leurs cabinets les gens financièrement démunis. Toutefois, un certain nombre pratique des aménagements: paiement d'une petite somme, échange de services, etc.

En ce qui concerne les psychanalystes dans leur ensemble, médecins ou pas, conventionnés ou pas, ils partent du postulat que pour être efficace, la thérapie doit être payante. Ainsi le cas de ce psychiatre privé, conventionné, qui ne fait pas rembourser ses psychothérapies. Il demande 40 euros par consultation, d'une demi heure maximum, le tarif étant le même si le client décide d'abréger l'entretien. Il demande également à être réglé en liquide Beaucoup de psychanalystes exigent le paiement des rendez-vous non honorés. Les interventions dans les entretiens sont quasi inexistantes: parfois le client repart avec la sensation frustrante de ne pas avoir avancé d'un iota entre son arrivée et son départ.

Bien évidemment, le client est parfaitement libre de changer de thérapeute, mais celui dont il est question ici étant le seul dans la région, la clientèle locale doit aller consulter dans un autre département.

Pour ce qui est du postulat psychanalytique de l'inconditionnalité du versement d'honoraires dans la guérison, il décrédibilise le travail réalisé dans le cadre de la psychiatrie publique, qui est gratuit : si ce postulat était conforme aux faits, les soins remboursés en psychiatrie seraient alors dépourvus d'utilité et de résultat, ce qui n'est pas vrai. En dépit de leurs imperfections, les soins en psychiatrie peuvent néanmoins rendre une vie plus vivable.

En conséquence, les dérives financières ne constituent nullement le monopole des psychothérapeutes non médecins, elles cesseront pas avec la nouvelle réglementation : celle-ci ne fera que limiter leur nombre aux psychanalystes médecins, qui en auront alors le monopole. Si vraiment le but est d'empêcher ces dérives, pourquoi alors ne pas réglementer le prix des consultations de psychothérapie ?

Pour ce qui est maintenant des dérives financières dans d'autres domaines de soins hors de la sphère de la psychothérapie, chacun semble s'accommoder parfaitement de celles qui sont légion dans les maisons de retraite : non respect de la législation du travail, paiement du travail de nuit au même salaire que le travail de jour, emploi de personnel non formé, embauche d'infirmières avec un CDD accompagné d'une promesse de CDI qui ne sera jamais honorée, détournement d'argent des résidents, des dons d'argent au personnel qui n'en verra jamais la couleur, pressions et menaces sur le personnel, facturation de médicaments ou de séances de kiné non administrés, etc.

N'y aurait-il pas là deux poids deux mesures ?

c) Pour ce qui est des dérives sectaires :

Une dérive sectaire en psychothérapie signifie qu'un thérapeute est membre d'une secte, d'une organisation structurée donnée, et utilise sa profession pour endoctriner ses clients, les réduire au statut d'adeptes potentiels.

Il existe un certain nombre d'organisations désignées comme sectes dans notre pays. A quoi reconnaît-on une secte ? à l'emprise mentale de l'organisation sur ses membres visant à imposer des pseudo savoirs dogmatiques tout en interdisant toute remise en question de ces pseudos savoirs, et, pour beaucoup d'entre elles, à abuser financièrement de ses membres. Une secte est une entreprise basée sur l'escroquerie, qui vise à l'asservissement humain. Ainsi, dans la sphère psy, le "Comité des Citoyens pour les Droits de l'Homme", qui prône la défense contre les abus en psychiatrie, et l'organisation "Narconon" qui prétend lutter contre la drogue, et qui émanent toutes deux de la scientologie.

Toutefois, pour pouvoir poser sur quelqu'un l'étiquette de sectaire, encore faut-il définir la secte à laquelle il appartient, et mettre l'escroquerie en évidence.

Ainsi un thérapeute n'appartenant à aucune secte connue et dont il n'est pas possible de démontrer qu'il escroque ses clients ne peut être accusé de sectarisme. S'il l'est, il est en droit de déposer plainte pour dénonciation calomnieuse et intention de nuire.

Cette question de la dérive sectaire en pose une autre : si véritablement le Législateur entend lutter contre les dérives sectaires, comment se fait-il qu'il n'interdise pas lesdites sectes, dès l'instant où il existe un ensemble de plaintes à leur encontre ou d'évidences de nuisances données ?

Ces organisations hurlent généralement à une atteinte à la liberté de pensée et de culte devant les critiques qui leurs sont faites où dès que des comptes leur sont demandés sur leurs activités. Il n'est pas question dans mon propos de limiter la liberté de pensée ni de croyance de qui que ce soit sur la base d'interdits fondés sur la notion de crime sans victime, simplement d'interdire des comportements nuisibles.

Dans le cas de la scientologie par exemple : si demain les adeptes de Ron Hubbard cessent de demander des honoraires délirants pour prix de formations au contenu occulte, de promettre le bonheur planétaire sur la base d'un galimatias sans fondement destiné à abuser les esprit faibles, et d'user de pressions sur les gens qui veulent les quitter, dans la mesure où ils ne nuiront pas, il n'y aura alors aucune raison de les interdire. Mais tant qu'ils se comportent ainsi, il serait plus cohérent de limiter leurs agissements.

En outre, les sectes ne sévissent pas seulement dans les rangs des psychothérapeutes : elles infiltrent également les centre de formation, les entreprises, les organisations de défense des droits de l'homme, les partis politiques, les associations humanitaires, etc...

Indépendamment du vocable que se donne une organisation sectaire, ("église" par exemple) il y a le comportement de ses membres et les nuisances qu'il entraîne, qui n'a rien à voir avec l'étiquette du groupe: l'escroquerie est illégale, qu'elle soit pratiquée dans le cadre d'une église, d'une entreprise, d'un parti politique ou d'un club de football, et il ne suffit pas de s'affubler du vocable d'"église" pour se voir dédouané des règles de comportements qui régissent nos sociétés et nos constitutions. Ainsi un comportement pédophile est condamnable, qu'il soit pratiqué dans le cadre d'un site internet ou d'une famille, pratiqué par des éducateurs ou des prêtes. Quand un prêtre est convaincu d'actes pédophiles, ni le Vatican, ni les catholiques ne parlent d'atteinte à l'atteinte à la liberté de culte.

d) Ainsi pour ce qui est des dérives sexuelles, les psychothérapeutes n'en ont pas non plus le monopole: une relation thérapeutique engendre une relation de transfert entre le thérapeute et le client. La dérive sexuelle est une faute professionnelle qui décrédibilise d'emblée le thérapeute, indépendamment de sa formation.

C'est pourquoi la réglementation de la profession de psychothérapeute telle qu'elle est proposée ici consiste à interdire d'exercice un ensemble de gens non pas sur des nuisances réelles, mais de fautes professionnelles qui ne concernent qu'une petite minorité de la profession, en partant du postulat que tout psychothérapeute non pourvu d'un diplôme universitaire est à priori un sectaire escroc et abuseur sexuel potentiel, et ceci sans rapport avec sa pratique réelle, et en l'absence de comportement nuisible de sa part et de plainte de ses clients. L'interdit ne repose pas sur des nuisances réelles et démontrables des thérapeutes concernés, mais sur celles qu'ils seraient susceptibles d'exercer et qui n'existent que dans la tête de ces censeurs. Autrement dit, il s'agit d'un interdit fondé sur la notion de crime sans victime, notion qui n'est pas compatible avec notre système législatif actuel.

Si donc aujourd'hui on interdit à des psychothérapeutes qui ne posent pas de diagnostic, qui ne sont pas membres d'une secte, et qui n'abusent pas sexuellement de leurs clients, il convient alors d'appliquer le même raisonnement aux autres professions où ces dérives sont susceptibles de se produire : interdisons les centres de formations, les entreprises, les associations de bienfaisance, de droits de l'homme, les consultants, les partis politiques, les organismes de gestion, les conseillers en relations humaines, les travailleurs à domicile, les facteurs, les dirigeants d'entreprise, etc, ce qui ne présente pas le moindre bon sens.

Le but de l'interdit posé alors sur la profession consiste non pas à interdire les dérives citées, qui continueront de se produire dans d'autres cadres, mais à limiter la relation thérapeutique au corps médical et aux psychologues.

2. Les infirmiers psy :

a) Qu'en est-il des psychothérapeutes non médecins et non psychologues détenant un diplôme reconnu ? Je veux parler des infirmiers de secteur psychiatrique :

Trois années d'étude après le bac sanctionnées par un diplôme, dans le cadre d'hôpitaux psychiatriques publics dénommés "centres psychothérapiques" et au contact permanent des patients. La formation telle qu'elle était pratiquée avant la suppression du diplôme d'infirmiers de secteur psychiatrique en 1992 contenait une année consacrée à l'étude des comportements pathologiques, et une autre à celle de la nosographie psychiatrique. Les cours de psychiatrie étaient donnés par des psychiatres hospitaliers. Cette formation correspond à celle de la spécialisation en psychiatrie en Belgique.

Pour ce qui est de la pratique infirmière enseignée, elle était similaire à celle enseignée aux infirmiers diplômés d’État (qu'on ne vienne pas me dire le contraire, j'avais fait une première année de DE avant de m'orienter vers la psy : le programme était identique; toutefois le contexte de l'école d'infirmiers psy, dont les promotions comprenaient une dizaine d'élèves, était plus adapté que l'école d'infirmiers DE, dont les promotions comprenaient une centaine d'élèves ) et le contenu de cette formation donne droit dans les autres pays à l'équivalence du diplôme d'infirmier.

Nous constatons alors que la France a sciemment supprimé une formation d'infirmier psy de qualité au bénéfice d'une formation qui ne donne pas les moyens aux gens de travailler en psychiatrie : voir à ce sujet dans le site Psychiatrie Infirmière les courriers des gens diplômés depuis l'institution du tronc commun : http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/temoignage/temoignage-infirmier-2005.htm

La disqualification des infirmiers psy ne repose pas sur leur manque de qualification : elle a été sollicitée par les syndicats d'infirmiers libéraux suite à l'instauration du "tronc commun", à partir duquel a été supprimée la formation d'infirmiers psy. Ces syndicats craignaient une concurrence de la part des infirmiers psy débarquant sur le marché du libéral. Cette disqualification n'a donc pas lieu d'être sur la base des compétences, elle ne se conçoit que dans le cadre d'une concurrence économique.

Ainsi je n'ai eu aucune difficulté à faire valider mon diplôme en Belgique, où j'ai travaillé trois ans, dans la mesure où l'INAMI, à qui j'ai du fournir le détail de ma formation, a considéré qu'il correspondait aux critères européens du diplôme infirmier, et m'a fourni un numéro me permettant d'y travailler librement, y compris comme infirmière à domicile pour des structures de soins infirmiers.

Or dans le contexte actuel de la pénurie d'infirmières, cette mesure est proprement inadmissible dans la mesure où le nombre d'infirmiers libéraux est largement insuffisant à combler les besoins de la population : les infirmières libérales se plaignent d'être débordées, de ne pouvoir prendre de vacances ni de week-ends. Elles déplorent ainsi une situation qu'elles ont créée de toute pièce, et dont elles subissent aujourd'hui les conséquences, sans pourtant remettre en question cette mesure.

Concernant la validité de cette disqualification, il convient également de considérer les faits : les infirmières libérales n'ont aucun état d'âme à employer des aides soignantes pour les soins de nursing, ce qui est pour le moins paradoxal.

Ce qui pose la question de la demande exprimée et de la demande réelle : la demande exprimée repose sur une exigence de compétences; la demande réelle est bassement matérielle. Le but de la chose consiste à empêcher des gens diplômés de travailler afin de garder le monopole de la clientèle, et de faire travailler des gens moins compétents dont le travail deviendra une source de bénéfices.

Autre spécificité française : les concours d'entrée aux centres de formation infirmiers : avant l'instauration du tronc commun, il suffisait pour entrer dans une école d'infirmière d'avoir le baccalauréat et de s'inscrire. Or depuis, des concours ont été institués, qui éliminent une grande partie des candidats. En Belgique, où il n'existe pas de concours d'entrée, j'ai rencontré des Françaises éliminées en France, qui n'ont eu aucune difficulté à s'inscrire dans les centres de formation infirmiers belges, et qui, à l'issue de leurs études, auront un diplôme qui leur permettra de travailler dans toute la communauté européenne, y compris en France.

b) En plus de leurs trois ans d'études, les infirmiers psy suivaient également des formations complémentaires au titre de la formation continue, dispensées par des organismes tout à fait officiels et reconnus du secteur public, n'ayant rien à voir avec des sectes. Ils pouvaient ainsi acquérir un ensemble de connaissances dans divers domaines. Ces formations ne se réfèrent pas à la nosographie psychiatrique, mais à des domaines de connaissance non universitaires, recouvrant les différents courants apparus en psychiatrie depuis les années cinquante et venus pour la plupart des Etats Unis : courant systémique, comportementaliste, développement personnel ( analyse transactionnelle, sophrologie, relaxation, yoga, rêve éveillé, créativité onirique, etc.), assistance aux personne en fin de vie, etc.

Cependant, une fois les gens formés, il leur était souvent difficile d'utiliser ces formations dans le cadre hospitalier, dans la mesure où elles ne sont pas enseignées dans le cadre universitaire et où les autres membres de l'équipe soignante ne les possédaient pas. Elles se limitaient alors au développement personnel des gens qui les suivaient, mais ne remplissaient pas l'objectif pour lequel elles étaient au départ enseignées et payées par les établissements, qui était de les utiliser comme outils thérapeutiques dans le cadre hospitalier. Le seul cadre dans lequel elles peuvent être utilisées est la profession de psychothérapeute.

Autrement dit, ces formations se heurtent de la part des diplômés universitaires à un raisonnement similaire à celui des infirmiers libéraux : en interdisant aux infirmiers psy l'exercice de la profession de psychothérapeute, le corps médical se réserve le monopole non seulement de la clientèle, mais également celui de la vision de la maladie mentale et des réponses à y apporter. Elle institue une frontière entre d'une part l'enseignement universitaire, considéré comme "seul vrai", et les enseignements non universitaires, considérés a priori comme "faux":

Le rapport sur la pratique de psychothérapie de Pierre PICHOT et Jean-François ALLILAIRE de l'Académie Nationale de Médecine distingue 4 catégories de se réclamant actuellement du qualificatif de psychothérapeute :

"- des médecins et psychiatres formés de façon variable au cours de leur cursus aux interventions de niveau 1 et de niveau 2, mais dont l'accès aux interventions de niveau 3 relève d'un choix personnel ;

- des praticiens médecins ou non médecins (en général psychologues) qui ont acquis une formation de niveau 3 qu'ils exercent de façon exclusive ;

- des psychologues cliniciens disposant d'une formation universitaire et paramédicale variable suivant leur cursus au sein des structures de soins psychiatriques ;

enfin de nombreuses personnes plus ou moins identifiées qui se prévalent d'une formation personnelle acquise auprès d'écoles psychothérapiques variées et exerçant une activité sur laquelle on doit avoir les plus grands doutes et émettre les plus grandes réserves."

Le problème ici n'est pas seulement économique : à ce niveau, le nombre des psychiatres est très inférieurs aux demandes de consultations et obtenir un rendez-vous demande souvent plusieurs mois d'attente; il est idéologique : ce dont il est question est d'imposer une vision unique des pathologies mentales, basée sur une carte unique du psychisme humain, et de discréditer tout domaine de connaissance non maîtrisé par le corps médical, et toute expérience indépendante qui pourrait remettre en question la pratique officielle.

Mon propos ici n'est pas de dédouaner tous les psychothérapeutes non médecins, ni de décrédibiliser la recherche de réglementations dans le domaine des psychothérapies : je suis bien d'accord avec le fait que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, et que l'être humain est trop précieux pour être confié à des charlatans. Cependant, la réglementation qui nous est proposée ici par Mr Accoyer sur la base du rapport de l'Académie de Médecine, d'une part ne me semble pas en mesure d'éviter les écueils auxquels elle prétend mettre un terme, et d'autre part me paraît en réalité une tentative de normalisation idéologique de notre univers intérieur par la profession médicale, susceptible d'engendrer des écueils tels que ceux qui ont été déplorés dans l'ex-URSS, à savoir une utilisation de la psychiatrie à des fins de contrôle de l'individu.

3. Les bases de la psychiatrie officielle :

Il convient à partir de là, pour savoir de quoi il est question, de considérer la grille de la nosographie psychiatrique officielle, et la démarche sur laquelle repose le diagnostic posé.

Il importe, pour plus de compréhension, de préciser que les analyses ci-dessous sont réalisées sur la base de la sémantique générale d'Alfred Korzybski, elle même élaborée sur la base de la physique quantique, qui permet d'appliquer aux problèmes humains des méthodes de résolution mathématique basées sur une démarche scientifique.

a) La grille freudienne:

J'ai profité de mes quinze années de travail en secteur public pour tenter de comprendre à l'aide de la S.G. les raisons de l'inefficacité des traitements psy, officiellement attribuée à "la chronicité des maladies mentales", et je me suis penchée sur les postulats de la nosographie enseignée et utilisée dans les hôpitaux publics, qui repose sur la grille freudienne.

Je ne vais pas faire ici une déstructuration de cette grille, ce n'est pas le sujet. Toutefois ce que j'ai découvert par rapport à la conception des maladies mentales, et surtout de la liste des perversions sexuelles énumérées par Freud, vaut son pesant de cacahuètes : en voici les grands traits :

Freud considérait comme une tâche urgente de distinguer ce qu'il appelait la sexualité normale de la sexualité pathologique. Il a défini la sexualité normale comme limitée aux rapports sexuels accomplis dans le seul but de procréer, et a traité de pervers tout acte sexuel quel qu'il soit réalisé hors de ce cadre, y compris au sein d'un couple homme-femme, taxant le plaisir sexuel de "pervers, et comme tel, voué au mépris" : "Introduction à la Psychanalyse" : "Ce qui caractérise toutes les perversions, c'est qu'elles méconnaissent le but essentiel de la sexualité, c'est-à-dire la procréation. Nous qualifions en effet de perverse toute activité sexuelle qui, ayant renoncé à la procréation, recherche le plaisir comme un but indépendant de celle-ci. Vous comprendrez ainsi que la ligne de rupture et le tournant du développement dans la vie sexuelle doivent être cherchés dans sa subordination aux fins de la procréation. Tout ce qui se produit avant ce tournant, tout ce qui s'y soustrait, tout ce qui sert uniquement à procurer de la jouissance, reçoit la dénomination peu recommandable de "pervers" et est, comme tel, voué au mépris." P. 296, ed. Payot.

Puis sur cette base il a décrit une nosographie établie sur une liste des perversions qui n'existait pas avant lui et séparé les maladies mentales en deux grands groupes, les névroses et les psychoses. Il en découle que selon cette conception, tout être humain quel qu'il soit peut être considéré comme pervers de nature, ce que Freud a fait en faisant remonter la source de la perversion à l'enfance, définissant l'enfant comme un "pervers polymorphe", et décrétant qu'"il n'existe pas de différence entre l'individu normal et le névrosé".

Les postulats fondamentaux de cette théorie des perversions sont :

  • la limitation de la sexualité à la procréation,

  • l'identification du plaisir sexuel à une perversion,

  • l'être humain est pathologique de nature, tout individu est soit névrosé, soit psychotique, il n'existe pas d'être humain mentalement sain.

En raison de ses postulats et de leurs conséquences, cette théorie est sans issue, elle repose sur une vision de l'homme absurde, infériorisante, tragique et désespérée, réduisant l'humanité à un inépuisable réservoir de patients potentiels.

Alors je dis la chose suivante :

La valeur que pouvait avoir cette grille en son temps, de même que les évolutions qu'elle a permises par la suite sont sans conteste. Freud a eu l'immense mérite d'être le premier à se pencher sur le fonctionnement de nos processus mentaux et de ce qui pouvait se passer dans notre cerveau, appelé encore à la fin de la deuxième guerre mondiale "la boite noire".

Cependant le fait est que la société française de 2004 est sensiblement différente, à mains égards, du contexte social que connaissait Freud à la fin du XIX° siècle; les conceptions scientifiques ont également évolué, particulièrement depuis les découvertes effectuées en physique (mécanique quantique, théorie de la relativité) qui ont bouleversé toute la conception du monde et de l'homme en ce monde. En conséquence, des théories qui pouvaient, au regard du paradigme cartésien, être qualifiées de scientifiques il y a un siècle, (et la grille freudienne en fait partie), sont aujourd'hui dépourvues de validité du fait des postulats qui les sous-tendent; elles consistent en conséquence en un ensemble d'opinions éminemment respectables en tant que telles, que chacun est parfaitement libre d'adopter, mais qui ne sauraient être considérées comme scientifiques au sens actuel du terme, ni tenir lieu de vérité. Ces postulats ont des répercussions au niveau du mode de pensée et du comportement des gens qui les tiennent pour scientifiques, particulièrement en psychiatrie où ils font encore figure de dogmes. Ils peuvent avoir des conséquences dramatiques dans la vie des patients, au niveau des faits, dans la mesure où ils engendrent une culpabilisation, une infériorisation, et des rapports de domination/soumission qui n'ont pas lieu d'être dans un lieu de soin. Ils font ainsi écran entre les soignants et les soignés et constituent un obstacle aux relations de confiance et de respect qui sont à la base de toute thérapeutique, et l'utilisation qui en est faite de nos jours dans le contexte psychiatrique aboutit à des résultats désastreux au niveau humain. De même que la vulgarisation de ces postulats par les média, en exposant des fonctions de notre organisme à la désapprobation, associe l'image que nous en avons à la honte, tout en accréditant l'idée qu'il est "normal" d'être mentalement perturbé, ce qui est complètement absurde.

De ce fait les critères freudiens ne correspondent plus du tout à ce que nous vivons aujourd'hui, ils ne sont plus du tout d'actualité. Partant de ces postulats, le terme de "pervers" peut alors être appliqué à l'ensemble de la population, ce qui est proprement insensé. Cette notion de "perversion" au sens freudien du terme est alors, dans le principe, comparable à celle de la "drapetomanie", maladie apparue dans le sud des États-Unis avant la guerre de sécession, qui fit des ravages parmi les esclaves noirs qui s'échappaient des plantations. Cette maladie consistait en une "compulsion morbide à être libre"; l'épidémie s'éteignit bien entendue d'elle-même avec l'abolition de l'esclavage. C'est également sur ce principe que repose le concept de "schizophrénie asymptomatique", très répandue en U.R.S.S., qui a permis des abus dénoncés avec vigueur dans notre pays. Cet étiquetage et l'utilisation qui en est faite se révèlent, dans les faits, éminemment plus pervers et pernicieux que les gens sur lesquels sont plaqués ces termes. Ce procédé, qui consiste à identifier des gens à des mots à caractère péjoratif, dévalorisant, à leur attribuer les caractéristiques supposées de ces termes, puis à leur infliger des tracasseries de tous ordres à partir de là, est à la base de toute exclusion. Il n'est pas différent de celui employé à l'égard des homosexuels pendant la seconde guerre mondiale. Dans tous les cas, c'est d'infériorisation de la personne humaine utilisée à des fins d'asservissement dont il est question.

Pour ce qui est des manipulations de l'image de la sexualité au cours de la deuxième moitié du XX° siècle, voir le texte du psychiatre Roger GENTIS a dans son livre "N'Etre" L'orgasme, Dieu et le fric .

En conséquence, nos autorités en matière de psychiatrie limitent la réalité à ce qu'en embrasse leur science, considérant que ce qu'ils ne connaissent pas ne peut raisonnablement exister.

b) Diagnostic: les divergences d'interprétation :

Concernant la démarche du diagnostic, qu'en est-il dans les faits, in vivo, dans le contexte officiel dans lequel elle est posée, à savoir la psychiatrie publique ?

Sur le plan somatique, un médecin, avant de poser un diagnostic, requiert d'abord un ensemble d'éléments objectifs : examens sanguins, radios, IRM, scanner, etc...

En psychiatrie, à part les pathologies qui peuvent être mises en évidence sur la base d'examens complémentaires (tracé encéphalographique de l'épilepsie par exemple), la pose d'un diagnostic reste liée à la personnalité des gens qui la posent : j'ai le souvenir d'une controverse lors d'une réunion de synthèse dans un service de psychiatrie entre deux psychiatres et une psychologue, relativement à différents diagnostics posés sur une patiente : un des psychiatres la voyait comme une psychotique, schizophrène, l'autre comme une patiente névrotique avec des éléments de personnalité psychotique, et la psychologue comme atteinte d'un délire hallucinatoire chronique. Toute la discussion, qui a duré une heure, portait donc sur la question du diagnostic à lui attribuer, sur la base duquel devait être adaptés le traitement médicamenteux et la prise en charge de la patiente. A l'issue de cette heure, chacun étant resté sur sa position de départ, la discussion n'avait pas permis de trancher. C'est le médecin dont dépendait cette patiente qui a retenu son diagnostic personnel et a déterminé la conduite à tenir.

Cet exemple démontre une chose : nous avons ici trois professionnels diplômés, dont les formations, universitaires reposent sur les mêmes critères. La logique veut que sur ces trois diagnostics différents, en admettant que l'un d'eux soit correct, au moins deux n'étaient pas appropriés. Non pas en fonction d'une formation insuffisante, mais de la position de l'observateur de chacun des professionnels concernés et de leur interprétation de la nosographie qui leur a été enseignée. Il n'existe ici aucun élément objectif ni aucune autorité auxquels se référer, pour pouvoir déterminer la validité des diagnostics posés.

En conséquence, la question des erreurs de diagnostics ne peut être réglée une fois pour toutes par la question de la formation universitaire.

Suite


Retour aux enquêtes

Accueil - Présentation de la SG - Alfred Korzybski - Enseignement - 1 + 1 = 3 - Liens - Contact
Liste et contenu des séminaires - Inscription - Conférences - Dreamachines - Publication - Bon de commande