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Réglementation des psychothérapeutes : Les infirmiers psy sont ils des soignants ? Réponses aux questions posées par le projet Accoyer. (2)

© Isabelle AUBERT-BAUDRON

(liens actualisés le 07/04/2011)

Plan de l'article

1. Une réglementation pour quoi faire ?

2. Les infirmiers psy

3. Les bases de la psychiatrie officielle

4. Les formations non universitaires des thérapeutes actuels

5. Une autre relation à la folie

6. Bref rappel historique

7. Disparition des dossiers de formation

8. Que fait-on à partir de là ici et maintenant ?

    c) La conception de la maladie mentale en psychiatrie :

( L'analyse qui suit a été élaborée sur les principes de la sémantique générale d'Alfred Korzybski.)

- vision de la maladie mentale comme inhérente à l'individu qui en souffre, de cause endogène en quelque sorte, sans lien avec le milieu dans lequel vit la personne; cette vision est liée à une conception de l'organisme humain qui sépare celui-ci en un corps d'un côté, un psychisme de l'autre et fait abstraction du milieu dans lequel il vit. Elle repose sur une démarche de pensée élémentaliste qui isole artificiellement des éléments et des facteurs reliés entre eux structurellement. Si nous nous basons sur des critères scientifiques au sens de ce terme en 2004, nous pouvons dire que cette conception relève d'un mode de pensée dualiste qui oppose l'esprit et la matière, le normal et le pathologique, l'individu et son milieu. Ce mode de pensée était d'actualité du temps d'Aristote, il y a 2400 ans, mais il est complètement révolu de nos jours dans la mesure où la conception de l'organisme humain qui correspond à nos données actuelles est celle d'"un tout psycho-somatique dans son milieu qui le pénètre et auquel il réagit." (Alfred Korzybski). En conséquence, cette vision de la maladie est sous cet aspect aujourd'hui dépourvue de scientificité.

- conception de la pathologie mentale comme d'un handicap fixé, une fois pour toutes, reposant sur une vision statique de l'organisme humain et faisant abstraction de ses capacités d'évolution; nous savons aujourd'hui qu'il n'en est pas ainsi et que nous sommes des êtres dynamiques, en constante évolution. Cette conception statique de l'organisme sous-tend le postulat d'incurabilité de la maladie mentale qui renvoie aux patients une vision désespérée d'eux-mêmes et entraîne, dans l'équipe soignante, des réactions de défaitisme; la chronicisation est alors considérée comme inhérente à la maladie et à la personne identifiée à celle-ci, et, de ce fait, inéluctable, d'où une perte de finalité de la fonction soignante.

- du postulat d'incurabilité de la maladie découle un manque de recherche d'efficacité des soins, la guérison n'étant pas censée exister en psychiatrie; ce dont il est question ce n'est pas de soigner dans le but de guérir, mais de soigner pour soigner, de faire accepter au patient qu'il est névrosé ou psychotique et la nécessité des soins, le but de ces derniers n'ayant d'autre finalité qu'eux-mêmes, d'où un manque de prise en compte des résultats et l'absence de confrontation des théories et des discours à l'épreuve des faits qui est à la base de toute démarche scientifique sérieuse.

- identification des soignés à leur étiquette nosographique, qui tend à attribuer aux gens toutes les caractéristiques de la pathologie qui leur est attribuée, leur renvoie une image négative d'eux-mêmes, et fait abstraction de leurs capacités et de leur potentiel; l'étiquette devient alors un mot-écran qui conditionne la vision des soignants sur les soignés et enferme ces derniers dans leur statut de malade. Or nous savons aujourd'hui que cette identification aux mots relève d'une conception réductionniste, qu'il s'agit d'une fausse identification, une personne, quelle qu'elle soit, ne pouvant être réduite aux caractéristiques que l'observateur, quel qu'il soit, est susceptible de lui attribuer, car avant d'"être" des schizophrènes, des alcooliques, etc., les soignés sont avant tout des êtres humains dotés d'une personnalité et d'une individualité qui leur est propre et ne peuvent être limités à un mot ni à une image. Cette conception réduit trop souvent les malades à la condition d'objets, déresponsabilisés, privés de tout pouvoir de consultation dans les décisions qui sont prises à leur encontre alors qu'elles les concernent directement et en premier lieu.

- conception de la nosographie psychiatrique comme "vraie" une fois pour toute et censée être le reflet exact des malades et des maladies. Il s'agit là d'une confusion entre la carte et le territoire, le niveau des mots et celui des faits, liée à une utilisation inadéquate du langage et de sa fonction symbolique.

Cette conception fait également abstraction du fait que, la psychiatrie faisant partie des sciences humaines, il ne s'agit nullement d'une science exacte ni d'une vérité révélée, mais de concepts élaborés dans un cadre historique déterminé, d'un domaine susceptible d'améliorations et d'évolution en fonction des découvertes.

- au niveau de l'observation qui est faite des patients, seule est prise en compte la personne observée, il est totalement fait abstraction du coefficient de l'observateur, du fait que le résultat de l'observation diffère selon les personnes qui l'effectuent. Cette démarche de pensée correspond à celle de la période classique en vigueur au temps de Descartes. Elle a été abandonnée au XX° siècle, sur la base des travaux de Einstein; nous savons en effet aujourd'hui que toute observation est relative et que tout ce que l'homme peut connaître est un phénomène dû conjointement à l'observateur et à ce qu'il observe.

Il en résulte bon nombre d'attitudes dogmatiques de la part de soignants qui, partant du principe que ce qu'ils ne connaissent pas n'existe pas, et considérant que "la réalité" se borne à ce qu'en embrasse leur science, celle-ci ne saurait tolérer la moindre remise en question. La recherche d'efficacité, à la base de toute démarche scientifique, fait alors dans ce contexte figure de blasphème. Une telle attitude ferme la porte à toute possibilité de réflexion sur la nature du travail que l'on fait, et Dieu sait combien une telle réflexion est nécessaire en psychiatrie. Elle empêche toute autonomie de pensée, laquelle est alors taxée de "négation de la maladie". La notion de pathologie est, de ce fait, considérée comme existant indépendamment des patients, comme une entité en tant que telle, érigée en valeur absolue, à laquelle est subordonnée la vie des patients. Sur de telles bases, il n'y a plus de démarche thérapeutique cohérente. La fonction soignante est une fonction d'assistance envers les patients; elle passe par l'instauration d'une relation d'aide avec ceux-ci. Elle ne consiste nullement à déifier des dogmes scientistes ni à utiliser ces dogmes pour asservir des gens.

En tant qu'infirmière psy, j'ai été confrontée directement aux conséquences des décisions prises au niveau des hospitalisés. Dans certaines circonstances, les conséquences des décisions peuvent se révéler dramatiques pour les personnes soignées. (voir "Le Carrefour des Impasses". Etant dépourvue de tout pouvoir de consultation et de décision, il ne m'était pas possible d'influer en quoi que ce soit sur elles au niveau professionnel. La seule référence est alors celle de la loi, qui est censée être la même pour tous, mais celle-ci est vécue comme subversive et n'a pas droit de cité au sein de l'établissement. J'ai ainsi appris que "les droits de l'homme concernent les gens normaux mais que pour les malades, il peut être dangereux de s'y référer." Dangereux pour qui exactement?

Cette situation me paraît extrêmement grave en ceci qu'elle ouvre la porte à tous les abus. Durant quinze ans j'ai assisté dans une certaine impuissance à la lente et inexorable dégradation de personnes dont les soins qui leur étaient attribués étaient, en théorie, censés apporter une amélioration de leur état.

Or si l'hospitalisation et les traitements appliqués ne se soldent pas par des résultats positifs, par un soulagement pour la personne soignée, ils n'entrent pas dans le cadre d'une démarche de soin effective, ils ne sont pas justifiés.

Si en plus la personne qui les subit est dépourvue de toute possibilité d'influer sur son sort, si ces traitements lui sont imposés sans explication ou lui sont présentés pour ce qu'ils ne sont pas, sous prétexte que son étiquette de "malade mental" la disqualifie d'emblée pour s'exprimer en son propre nom et être informée de sa propre santé, ce n'est plus de relation thérapeutique dont il est question, mais d'escroquerie et d'abus de confiance.

Si en outre l'hospitalisation s'accompagne de mesures d'enfermement supposées limitées aux établissements pénitentiaires, sans que la personne concernée puisse avoir le moindre recours, on aboutit à des situations totalement illégales, inconstitutionnelles, qui n'ont pas lieu d'être dans un Etat de droit.

Si enfin les personnes qui disposent du pouvoir de décision dans cet état de fait déclinent toute responsabilité dans la dégradation de l'état de santé des gens qui leur sont confiés en attribuant celle-ci à la seule pathologie de leurs patients, s'ils considèrent comme une insulte le fait d'avoir à fournir la moindre explication sur le bien fondé de leurs décisions, y compris aux gens qui travaillent avec eux et qui sont chargés d'exécuter ces dernières, s'ils se placent au-dessus de toute autorité autre que la leur, y compris légale, en s'autoproclamant seuls spécialistes autorisés en la matière et s'ils réfutent d'emblée toute mise à l'épreuve des faits en s'appuyant sur des théories d'un autre âge, ils sont de ce fait dépourvus de légitimité au niveau légal, de crédibilité et de cohérence au niveau scientifique et ne répondent en rien aux exigences du service public.

En conséquence, l'Académie Nationale de Médecine serait bienvenue de commencer à faire le ménage au sein de la profession qu'elle entend représenter en se confrontant elle-même aux faits en mettant un terme aux abus dans les établissements qui relèvent de son autorité, et de s'appliquer à elle-même les critères d'éthique et de scientificité dont elle se prévaut, avant de statuer sur des domaines de connaissance qui lui échappent et de s'auto-ériger en autorité inquisitoriale, à travers des propos qui relèvent davantage d'une congrégation pour la doctrine de la foi scientiste que d'une autorité scientifique digne de ce nom.

4. Les formations non universitaires des thérapeutes actuels :

Pour avoir suivi plusieurs formations:, dans le cadre hospitalier à titre de la formation professionnelle (analyse transactionnelle, créativité onirique) et, hors de ce cadre: sémantique générale ( formation donnée par Henri Landier, ex professeur à l'école d'ingénieur des Mines de Nancy), il m'apparaît qu'un stage de formation dispense un contenu donné, mais les certifications auxquelles elles donnent droit n'attestent que du fait que l'on a suivi le stage et du prix payé pour celui-ci. Il n'atteste aucunement des capacités de la personne qui l'a suivie, ni de son aptitude en tant que thérapeute.

Or dans le système actuel de la psychothérapie, il suffit à quelqu'un de suivre un simple stage pour s’autoproclamer "thérapeute". A partir de là, une partie des gens qui suivent la formation le font d'abord dans le but d'acquérir un statut: ils n'achètent un savoir que dans le but de le revendre à leur tour. L'écueil de ce système est que la compétence ne peut s'acheter, ni s'acquérir en quelques jours, d'où l'arrivée sur le marché de "thérapeutes" qui n'ont jamais côtoyé de gens souffrant de problèmes psychologiques pendant leur formation, et vont transposer sur leurs clients des savoirs théoriques qui ne conviennent pas forcément à leurs problématiques.

Le titre de psychothérapeute délivré par ces centres ne garantit aucune aptitude, et la vente de ces formations dans le but d'exercer ce métier repose sur une escroquerie . Ne serait-il pas plus cohérent de leur refuser non pas de diffuser des formations, mais de délivrer des certifications de psychothérapeutes, plutôt que de laisser les gens se former pour les empêcher ensuite d'utiliser ces formations ?

Autres dérives constatées chez des psychothérapeutes : certains tentent de s'imposer comme thérapeutes incontournables à des gens qui ne leur demandent rien, interfèrent dans la vie personnelle de leurs clients, ou s'attribuent des pouvoirs similaire au psychiatres. Ce dont il est alors question ici n'est pas de thérapie, mais d'atteinte à la vie privée. En aucun cas un thérapeute n'a le droit de s'imposer comme tel : c'est au client d'aller vers le thérapeute de son choix, et de mettre un terme aux entretiens quand bon lui semble, et non au thérapeute d'aller vers le client.

Afin d'empêcher de tels abus, il serait parfaitement possible d'élaborer un code de déontologie des différents professionnels travaillant dans le domaine de la psychothérapie, et contenant les éléments de législation relatifs à la profession, permettant d'informer les clients des devoirs des thérapeutes, des droits des clients et de ce à quoi ils s'engagent,, une sorte de charte comparable aux chartes des hospitalisés dans les hôpitaux, qui devraient être remis par les thérapeutes à toute personne entamant une thérapie. Ceci aurait le mérite de constituer une base claire et évidente pour tout le monde du contrat thérapeutique

En ce qui concerne la diversité des références dans le domaine des psychothérapies, quelques soient nos références et nos maîtres, nous ne devons pas perdre de vue que les grilles à l'aide desquelles nous nous orientons ne sont que des outils thérapeutiques, reposant sur des cartes du psychisme humain qui ne peuvent rendre compte complètement ni exactement du territoire qu'elles décrivent, et que ce que nous ignorons sur ledit psychisme est plus vaste que ce que nous en connaissons.

Une évaluation de l'aptitude thérapeutique du soignant se mesure aux faits : si le travail du psychothérapeute se solde par un mieux être de son client et la résolution des problématiques qui ont amené celui-ci à consulter, alors il est vraiment un thérapeute, quelque soit le cadre dans lequel il travaille. Si ce n'est pas le cas, il n'en est pas un.

Les outils : le résultat dépend dans une grande mesure de l'utilisateur : indépendamment de l'analyse que j'ai faite ci-dessus de la grille freudienne, je connais des psychiatres qui l'utilisent et dont j'admire le travail pour avoir observé leur pratique sur le terrain et, qui sont pour moi des modèles dont je m'inspire.

5. Une autre relation à la folie :

Avant de faire mes études d'infirmière psy, j'ai voyagé un an en Orient avec mon mari et nous avons fait le tour de l'Inde en stop. Je n'avais auparavant jamais eu de contact avec le monde de la folie et c'est dans ce pays que j'y ai été confrontée pour la première fois :

Un soir nous nous trouvions dans un petit café pour camionneurs, dans lequel le patron ne servait que du thé au lait et des petits gâteaux. L'endroit était fréquentés par des routiers qui s'arrêtaient pour une halte entre deux voyages. Dans un coin de la pièce, une vieille femme en haillons était assise sur le sol en terre battue. A un moment donné, elle s'est levée et a commencé à insulter les clients les uns après les autres en les prenant personnellement à partie. Alors qu'elle arrivait près de nous et commençait à insulter mon mari, un client, qui se trouvait derrière nous, un sikh, s'est levé et est venu s'asseoir à notre table : il nous a dit de ne pas avoir peur et a expliqué que cette femme était folle, que son mari l'avait abandonnée et que depuis, elle en voulait à tous les hommes. Comme elle était sans revenu, le patron du café l'hébergeait et la nourrissait gratuitement. Il nous a ensuite expliqué qu'en Inde, les fous sont considérés comme des gens sacrés, qui relient le ciel et la terre, et qu'ils ont par là même une fonction sociale. De ce fait, ils sont entretenus par la population, qui utilise leurs comportement difficile comme un entraînement à la patience. Et comme il nous disait tout cela, nous pouvions voir les clients qui, en payant leur consommations, laissaient au patron un peu d'argent pour l'entretien de la vielle femme. Ces gens n'étaient pas des prêtres, mais des routiers. Il y avait là des sikhs, des musulmans, des hindous, et apparemment tous partageaient cette conception des choses. Cette femme ne serait pas restée 5 minutes dans un café français, elle aurait été arrêtée pour trouble à l'ordre public et aiguillée vite fait bien fait vers un hôpital.

A cette époque où mon approche de la folie se limitait à la lecture de Jane Eyre, et dans ce contexte, cette relation au phénomène m'était apparue comme "normale". J'ai réalisé ensuite au cours de mes études qu'elle ne correspondait pas du tout aux critères de normalité en Occident, où le statut du fou n'a rien à voir avec celui de son homologue oriental.

J'ai assisté ensuite à une confrontation similaire des deux paradigmes chez un jeune interne marocain fraîchement arrivé, qui prenait sa première garde alors que je travaillais de nuit : il avait été appelé pour une entrée : un homme en état d'ivresse amené par les pompiers pour un accès de violence familiale.

L'interne se présente, et le client, qui avait vécu en Algérie, se prend immédiatement d'amitié avec lui : il lui explique que sa fille de 17 ans voulait sortir le soir et l'avait insulté parce qu'il le lui interdisait, ce qui avait déclenché son agressivité. Une fois l'entretien terminé et le patient couché, l'interne me fait part de son étonnement choqué devant cette situation, banale en France : "Au Maroc, les gens ne boivent pas d'alcool. Ils fument le haschich, mais ne sont pas violents, et les filles n'insultent pas leurs pères. Les gens s'occupent des fous. Il y a bien des hôpitaux, mais ils accueillent les gens qui font parfois une folie au haschich et qui sortent trois jours plus tard." Il me parle ensuite des gens possédés par les djinns, dont la folie disparaît quand l'intrus est expulsé. Me revient en souvenir le film Le N'DOEP, diffusé pendant la formation d'infirmier psy, sur une thérapie en Afrique où tout le village se rassemblait autour d'une femme qui avait perdu la raison, et où celle-ci la retrouvait à l'issue d'une grande fête.

Ces conceptions de la folie nous sont étrangères et n'ont rien à voir avec les critères de pathologie psychiatrique.

Elles reposent sur une vision de l'homme et du monde qui relie les dimensions matérielle et spirituelle. Elles ont le mérite de ne pas départir les fous de leur humanité, ni de les couper du groupe social, ce que fait notre psychiatrie, en donnant à ces critères une valeur absolue, au détriment de la valeur humaine qui est niée au nom de ces critères. "Science sans conscience, disait Montaigne, n'est que ruine de l'âme", phrase qui prend tout son sens dans ce contexte.

6. Bref rappel historique :

Ces deux anecdotes sont révélatrices des conséquences du regard sur la folie sur le vécu de celle-ci. : toute notre conception moderne de la maladie mentale date du XIX° siècle avec l'apparition de l'aliéniste. Auparavant, si j'en crois Michel Foucault (voir son interview sur l'histoire de la folie) , les fous n'étaient pas des malades mentaux, mais des asociaux. Au moyen âge, la folie était une institution : il y avait les fêtes des fous, ceux-ci étaient conçus comme ayant une fonction d'exutoire et de remise en question de l'ordre social , fonction considérée comme nécessaire à celui-ci. Ils fut un temps où la folie devint à la mode : il était de bon ton dans les milieux aisés d'héberger un fou chez soi; celui-ci servait de divertissement, parfois de conseiller, et parfois de tête de Turc. Le plus célèbre fut Triboulet.

Cette image disparut ensuite avec l'image du fou possédé, propagée par l'inquisition, et avec l'enfermement des fous par l'administration pour rentabiliser les léproseries devenues obsolètes et mettre un terme à cette remise en question de l'ordre sociale, considérée comme subversive.

Au XX° siècle, les avancées en psychiatrie et les améliorations du sort des malades mentaux ont eu lieu après la seconde guerre mondiale, avec la prise de conscience des soignants confrontés à la déportation de la similarité des conditions d'enfermement entre les hôpitaux psychiatriques d'alors et les camps. Le nazisme exterminait les fous, et dans les pays occupés, beaucoup d'hospitalisés mourraient de faim et de maladie (tuberculose), croupissant dans des locaux non chauffés. Cette prise de conscience a engendré l'ouverture des asiles, puis la psychiatrie de secteur, qui est certainement loin d'être parfaite, mais dont les gens qui ont participé à la mettre en place avant la fermeture des écoles d'infirmiers de secteur psychiatrique et les réductions de personnel avaient à cœur de rompre avec les pratiques asilaires et témoignaient, avec les équipes d'infirmiers qu'ils formaient, d'un réel respect du patient. Voir à ce sujet l'hommage au Dr Bernard L., rédigé par le Dr Jean Pierre V, psychiatre des hôpitaux et membre de la Société de Psychanalyse de Paris.

Ce à quoi nous assistons dans l'évolution actuelle de la psychiatrie est la disparition du personnel infirmier formé, la diminution du nombre de psychiatres hospitaliers, la disparition du pouvoir de décision de ceux-ci sur les soins qu'ils prodiguent et la disparition du pouvoir de consultation des médecins sur le personnel avec lequel il travaille, le retour à des pratiques asilaires (enfermement, surmédicalisation) et la disparition de la relation thérapeutique par manque de temps du personnel. Autrement dit, ce sont toutes les avancées survenues en psychiatrie depuis le milieu du XX° siècle qui sont ici en train de disparaître.

Au delà de ce qui se passe dans le milieu psychiatrique et celui des psychothérapeutes, on est contraint de constater que les expériences originales réalisées en France dans le domaine des soins aux malades mentaux, de l'autisme (Maud Manoni pour ne citer que la plus célèbre), etc., ont été au cours des dernières décennies sapées à la base et interdites de fait, non pas par le biais d'interdictions légales, mais par des contraintes administratives inapplicables engendrant leur disparition. Ce dont il est question ici, à tous les niveaux, c'est d'empêcher purement et simplement les professionnels de psychiatrie de travailler.

Au delà de la sphère de la psychiatrie elle-même, si l'on considère l'évolution de la situation sur le plan économique, on observe une augmentation du nombre des exclus du monde du travail dans une population donnée : le but en est de réduire le nombre de gens entre les mains desquels l'argent circule, et de décrédibiliser ceux qui en sont chassés par tous les moyens possibles et imaginables.

Voir à ce propos les articles : HARCELEMENT MORAL: Remake des "Dix Petits Nègres": Enquête sur les facteurs de mortalité et de morbidité en milieu hospitalier et propositions pour en sortir

Pénurie d'infirmières: un phénomène planifié sur le long terme

Description des conséquences de la privatisation et de l'économie de marché observées dans le secteur de la psychiatrie publique

En d'autres termes, ce dont il est question ici est une entreprise de déshumanisation et de pillage institutionnalisée. J'en ignore la source, mais si le même phénomène est observable hors de nos frontières, il dépasse les cadres nationaux.

7. Disparition des dossiers de formation :

Pour obtenir l'équivalence du diplôme belge auprès de l'INAMI, j'ai du produire les documents attestant du contenu de la formation infirmière que j'avais suivie. Pour ce faire, je me suis adressée à l'administration de l'hôpital dans lequel j'avais fait mes études : la personne qui m'a répondu m'a alors dit que tous les dossiers relatifs au centre de formation avaient disparu lors de la fermeture de l'école, et qu'il n'en restait plus aucune trace. J'ai donc produit les sommaires de mes manuels de cours, des copies de mes devoirs, et ma documentation personnelle, suite à quoi l'INAMI m'a attribué l'équivalence, considérant que le contenu des formations étaient similaires.

Pour ce qui est des formations suivies ultérieurement, je me suis adressé à l'organisme de formation qui me les avait diffusées : celui-ci a changé d'adresse, et tous les documents concernant les formations diffusées antérieurement ont également disparu, ainsi que toute trace des formateurs.

Force est de constater ici qu'en plus de la disqualification des individus, ce sont les preuves attestant des formations suivies qui ont été effacées.

8. Que fait-on à partir de là ici et maintenant?

Cette carte de la réalité peut apparaître assez sombre. Si j'en crois les propos d'autres professionnels de la psychiatrie (voir entre autres l'appel du Dr Guy Baillon "J'accuse l'Etat de non assistance à équipes de service public en danger") d'autres partagent cette vision. Les chercheurs semblent également partager cette analyse.

Agir, oui, mais pas n'importe comment : les instances syndicales me paraissent ici dépourvues de toute utilité en la circonstance, et les pétitions que nous pouvons signer, illusoires : Les gens qui prennent les décisions en matière de santé savent parfaitement que nous ne pouvons les soutenir, et n'ont de toutes façons pas l'intention de tenir compte de notre avis. Plutôt que d'attendre de gens qui programment sciemment la déstructuration de la psychiatrie publique qu'ils décident à notre place et au dessus de nous de nos professions dont ils ignorent tout, sur la seule base de considérations financières, il semblerait plus réaliste de nous réapproprier nos pouvoirs de réflexion et de décision concernant nos métiers et le milieu dans lequel nous travaillons.

1. Rassembler médecins et infirmiers désireux d'agir ensemble, dans un cadre souple, non contraignant, hors de tout cadre idéologique, permettant de communiquer et d'échanger librement et spontanément en fonction des possibilités, de rassembler des témoignages permettant d'attester des faits que nous constatons et vivons.

2. Mettre l'administration devant ses responsabilités : décliner toute responsabilité personnelle quant aux conséquences de la dégradation des soins: en cas de plainte contre les médecins du fait des conséquences de cette dégradation, se retourner contre l'administration, qui en est directement responsable et l'impose aux acteurs des soins, médecins et infirmiers, et aux patients. De ce fait les soignants n'ont pas à servir de boucs émissaires en endossant la culpabilité d'une situation dont eux et la population sont victimes, qu'ils dénoncent, sur laquelle ils n'ont pas été consultés, qui leur est imposée par des gestionnaires qui n'ont pas été élus et qui refusent de se confronter aux conséquences humaines de leurs décisions. Ce qui est en question ici est la valeur de la vie humaine, autrement dit les fondements de la démocratie, qui repose sur la valeur absolue de celle-ci.

3. Adopter face à la situation actuelle une démarche scientifique, similaire à celle que nous adoptons face aux diverses pathologies : cette démarche qui se révèle efficace dans aux niveaux scientifique et technique, peut nous permettre de résoudre plus efficacement les problèmes auxquels nous sommes confrontés au niveau humain, et de dresser de la réalité des cartes plus fiables que celles qui nous sont présentées.

4. Agir sur la base d'une stratégie : j'ai abouti a la conclusion que la situation actuelle des hôpitaux est dans une certaine mesure générée par un contexte frauduleux : voir l'article « Description des conséquences de la privatisation et de l'économie de marché observées dans le secteur de la psychiatrie publique » et "Harcèlement moral: Remake des "Dix Petits Nègres": enquête sur les facteurs de mortalité et de morbidité en milieu hospitalier et propositions pour en sortir."

Il en va de même pour le secteur des maisons de retraite : « Pénurie d'infirmières: un phénomène planifié sur le long terme ».

5. Travailler ensemble à une restructuration d'urgence sur la base de nos qualifications et capacités respectives, en fonction des besoins humains en psychiatrie, indépendamment de l'administration : médecins et infirmiers sont les principaux acteurs de la santé : sans nous, il n'y a plus de santé. Si nous sommes privés de pouvoir de décision dans le cadre administratif, nous n'en disposons pas moins de pouvoir de faire, le seul pouvoir effectif. A partir de là, nous pouvons déterminer ensemble la mise en place de nouvelles structures, en tirant partie des possibilités du milieu.

Actuellement une partie du personnel infirmier est inemployée, tout ceux qui comme moi ont rendu leur blouse au bout de quinze ans, dégoûtés : si demain il est de nouveau possible de retravailler dans des conditions décentes et respectueuses du bien être des patients, les gens reviendront. Il devrait être possible de rallier ici les effectifs les mieux formes du personnel infirmier.

Sur le plan financier, je sais qu'une restructuration cohérente et compatible avec notre constitution démocratique, notre tradition républicaine et les principes de notre comité d'éthique ne peut que reposer sur le respect absolu de la personne humaine, et le respect de la connaissance, elle ne peut que partir des besoins humains réels, des capacités humaines réelles.

L'idéal serait de revenir a la psychiatrie telle qu'elle existait dans les années 70, et de contraindre les gestionnaires de la santé à modifier leurs critères d'évaluation, mais je doute que cela soit possible dans le contexte actuel. A partir de là, à nous de résoudre le problème en subordonnant l'argent à la prise en compte des besoins humains. Cela coûterait de toutes façons bien moins cher que le système de gestion actuel, et permettrait d'éliminer le phénomène de fuite des capitaux dans le cadre de ces structures.

Quitte à ouvrir ces structures dans un cadre générateur de bénéfices, qui les alimenterait : nous ne somme pas obligés d'utiliser le créneau "psychiatrique" : ce peuvent être des lieux de convivialité, cafés sans alcool, dans l'esprit des cafétéria existant dans beaucoup d'hôpitaux psy et offrant un certain nombre de services à la population. Ce peut être également une grande maison servant de lieu d'hébergement, etc.

L'idée ici serait de créer des lieux thérapeutiques autonomes au sein de la cité, dans l'esprit du livre de Roger Gentis "la psychiatrie doit être faite et défaite par tous", qui permettraient aux soignés de s'intégrer au monde extérieur en tissant des relations avec la population, et auraient également une dimension culturelle, comme l'ont fait Jean Oury et Félix Guattari à la clinique de La Borde à la Cour Cheverny.

Sur le plan économique, voir également les articles relatifs à la formulation d'une économie non-aristotelicienne. Celle-ci repose sur une restructuration de l'économie sur la sémantique générale de Korzybski, mais n'en est qu'aux balbutiements.

6. Je travaille depuis 1990 sur les problématiques nationales, nées d'événements traumatisants dans l'histoire des pays. En ce qui concerne notre administration, j'ai abouti a la conclusion que ses relations avec son peuple sont conditionnées depuis des siècles par une double problématique de culpabilité et existentielle, datant du XIV° siècle, et liée au contexte de sa mise en place par Philippe le Bel. Or non seulement cette problématique nous enferme sur le plan national, mais elle est également a la source d'une fracture entre les civilisations d'Orient et d'Occident, fracture sur laquelle repose la théorie du conflit de civilisations en vogue actuellement.

Tant que nous n'aurons pas effectué à l'échelle de la nation un retour sur ces événements permettant de les comprendre, de les analyser et de les dépasser, nous resterons mentalement prisonniers de ces problématiques, et du même type de relation avec notre administration, dont il serait temps qu'elle intègre les principes de la déclaration des droits de l'homme de 1789, ce qu'elle n'a jamais fait. En conséquence de quoi nous vivons encore en 2004 sous le joug d'une administration médiévale et du système de contrôle hiérarchique et centralisé mis en place à cette époque, préjudiciable à différents niveaux à l'ensemble des citoyens de ce pays.

Il ne s'agit là que d'une hypothèse mais elle repose sur l'examen d'un ensemble de documents de l'époque. En raison de ses conséquences, elle mériterait d'être examinée par une équipe pluridisciplinaire de psychiatres, d'historiens et de théologiens de diverses obédiences. J'ai consulté l'an dernier la bibliothèque ismaélienne de l'Aga Khan afin de connaître sa position en sollicitant l'infirmation ou la confirmation de cette hypothèse sur la base des archives de sources orientales, et la réponse qui m'a été adressée la confirmait.

Je cherche donc de mon côté des thérapeutes désireux d'examiner ce qu'il en est et d'impulser un travail thérapeutique à l'échelle de la nation, qui nous permettrait de considérer avec recul des événements dans lesquels aucun individu actuellement vivant n'a de responsabilité et dont nous n'avons pas a continuer de subir les conséquences.

Sur le plan légal, nous pouvons déposer plainte contre l'administration, mais il me semble important d'abord de considérer ces éléments de notre passé dans la mesure où ils conditionnent dans une certaine mesure les événements présents.

x x x

En conclusion, sur la base de ces éléments, la situation me semble porteuse d'espoirs, dans la mesure où elle dépend de nous dans une certaine part, et de l'attitude mentale que nous adoptons en la circonstance. Si nous utilisons les possibilités effectives dont nous disposons, il me semble que nous pouvons utiliser la crise actuelle pour mettre sur pied une psychiatrie vivable, dont les acteurs travailleraient sur une base de relation fondée sur la complémentarité et le respect mutuel, leur offrant les moyens d'utiliser leurs capacités respectives avec pour objectif premier la qualité des soins et le respect des patients .

Harcèlement professionnel dans le cadre d'un CMP Janvier 2005


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