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Les nouveaux mensonges du capitalisme - Interview de John Kenneth Galbraith par François Armanet ( Le Nouvel Observateur, 4/11/05)



Plan de l'enquête:

Economie : quelques facteurs non pris en compte dans les débats sur le traité de Constitution européenne :

1. Dissimilarité de structure

2. Les changements au niveau des nouvelles normes comptables internationales

3. Différences entre les comptabilités apparentes et les comptabilités réelles

4 : Le whistleblowing: prévenir avant de guérir en démocratie

5 : Les whistleblowers : commentaire : CQFD

6. Les nouveaux mensonges du capitalisme : Interview de John Kenneth Galbraith par François Armanet (Nouvel Obs)

Le plus célèbre économiste américain, référence historique des démocrates, publie un pamphlet subversif contre les dérives de l'économie de marché. Entretien exclusif

A 97 ans, après avoir consacré sa vie à l'étude de l'économie, du New Deal et de l'avènement du keynésianisme aux excès de l'hyperlibéralisme célébrés par l'administration Bush, le penseur américain dénonce les approximations d'une discipline complaisante et les mythes d'un marché qui gouverne le monde dans un essai corrosif: “les Mensonges de l'économie”.

Le Nouvel Observateur. - Votre nouveau livre a pour titre original “Economie de l'escroquerie innocente”. Pourriez-vous expliciter cet oxymore?

John Kenneth Galbraith. - Je n'emploie pas le terme “oxymore”. L'escroquerie est trop souvent associée à une légalité de façade. On peut décrire les problèmes que je soulève dans mon livre dans les termes suivants: ce qui légalement est tout à fait toléré. La grande entreprise moderne proclame son souci du bien public: en réalité, ses dirigeants ont pour seul but de faire du profit, y compris personnel. Mais il y a pis. Sur les questions d'environnement, de réchauffement planétaire, et surtout de défense, les patrons déguisent en conscience citoyenne et en patriotisme des motivations purement intéressées. Le bien public subordonné au profit financier, voilà un véritable oxymore.

N. O. - L'économie de marché est-elle une escroquerie plutôt qu'une absurdité?

J. K. Galbraith. - L'économie de marché est volontiers décrite comme un héritage ancien. En l'occurrence, c'est une escroquerie, ou plus exactement une erreur communément admise. Trop de gens apprennent l'économie dans des manuels qui entretiennent encore les dogmes de la production concurrentielle des biens et des services et de la capacité d'acheter sans entraves. En fait, il peut n'y avoir qu'un ou quelques vendeurs assez puissants et persuasifs pour déterminer ce que les gens achètent, mangent et boivent. En France, en tout cas, la vie économique fait partie intégrante d'une culture sociale revendiquée.

N. O. - Comment expliquez-vous notre réticence actuelle à employer le mot “capitalisme”?

J. K. Galbraith. - Selon moi, le mot “capitalisme” est obsolète. Nous persistons à attribuer aux capitalistes à l'ancienne ce qui relève en fait des méthodes modernes de gestion des entreprises. Cette gestion englobe la production, la vente, la publicité et un emploi de masse, et coïncide avec un pouvoir économique et politique dont n'ont jamais joui un Morgan ou un Rockefeller. A l'heure où j'écris ces lignes, les Américains se préparent à voter pour choisir entre l'intérêt public et la domination des entreprises. Cette réticence à employer le terme “capitalisme” reflète simplement une acceptation lucide des choses.

N. O. - N'êtes-vous pas, dans une certaine mesure, en train de réhabiliter les analyses de Marx?

J. K. Galbraith. - C'est une référence qui ne me fait pas peur, malgré tous ceux qui y voient un critère de désaccord. Mais un économiste est toujours inséparable de son époque, et j'aime à penser que je suis un homme de mon temps. Je ne suis assurément pas marxiste, mais je n'aurais aucune crédibilité comme chercheur si je n'avais étudié Marx en cours d'histoire économique, au même titre que les chantres français du capitalisme .

N. O. - On assiste à un brouillage croissant des frontières entre le secteur “public” et le secteur “privé”. Comment expliquez-vous cette ingérence grandissante des intérêts privés dans la sphère publique, qu'il s'agisse de la défense ou même de la politique? Quel rôle l'Etat peut-il encore jouer?

J. K. Galbraith. - J'ai déjà évoqué l'ingérence de l'entreprise privée dans le secteur public. Elle relève, je le répète, d'une quête de pouvoir et donc de profit. C'est là l'une des forces dominantes de notre temps. L'Etat a de nombreuses fonctions, dont l'une consiste à empêcher cette ingérence du pouvoir économique privé dans la sphère des intérêts publics. C'est là une de ses missions reconnues, une mission cruciale.

N. O. - Le scandale Enron, caricature d'un capitalisme sauvage et déréglementé, constitue-t-il une exception ou marque-t-il au contraire le début d'une ère nouvelle?

J. K. Galbraith. - J'espère bien qu'il ne marque pas le début d'une ère nouvelle. Toutefois, il s'inscrit effectivement dans une tendance nouvelle. Dans l'entreprise moderne, le pouvoir n'est plus entre les mains des investisseurs, des contrôleurs et des régulateurs publics, mais dans celles des administrateurs, des managers. Il est essentiel de s'en rendre compte. Le scandale Enron représente davantage qu'une violation de l'éthique d'entreprise, il illustre un danger nouveau et brûlant: les abus de pouvoir des dirigeants d'entreprise.

N. O. - Vous paraissez extrêmement sceptique quant à la politique monétaire de la banque fédérale et à sa capacité de régulation. Son président Alan Greenspan est-il une icône ou un illusionniste à la Houdini?

J. K. Galbraith. - On exagère effectivement l'impact de la politique monétaire. La faute en incombe notamment aux journalistes, qui partent du principe que toute référence à la politique monétaire donne du poids à leurs articles financiers. Aux Etats-Unis, dans certains domaines, en particulier le logement et l'immobilier, les taux d'intérêt ont une importance déterminante. Ce n'est pas le cas dans la plupart des secteurs où on emprunte de l'argent quand on peut faire de l'argent. Et où le taux d'intérêt n'est qu'un détail.

N. O. - Un tiers seulement des Américains font confiance à la politique économique de George Bush. John Kerry pourrait-il accomplir davantage? Quelle serait sa marge de manoeuvre?

J. K. Galbraith. - J'élude la question.

N. O. - Dans quels cas, selon vous, les principes keynésiens ont-ils été appliqués avec succès ou ont-ils échoué? Les hyperlibéraux de l'école de Chicago l'ont-ils définitivement emporté?

J. K. Galbraith. - Je remarque que la théorie keynésienne, à savoir que l'Etat doit orienter l'économie par les dépenses et les investissements publics, est aujourd'hui largement acceptée. Les objections de Milton Friedman [l'inspirateur de l'école de Chicago, NDLR] n'ont plus guère de poids. Malheureusement, la théorie keynésienne a souvent été mal interprétée. Aux Etats-Unis, les républicains ont baissé les impôts des riches, y compris des dirigeants d'entreprise, sur lesquels on ne peut pas compter pour effectuer les dépenses nécessaires à la bonne marche de l'économie. En revanche, l'administration républicaine refuse d'intervenir dès qu'il s'agit de prêter assistance à ceux qui sont dans le besoin. Autrement dit, elle lèse les plus pauvres dont les dépenses de consommation quotidiennes soutiendraient l'économie du pays. Keynes serait le premier à dire qu'il s'agit là d'une véritable trahison de sa pensée.

N. O. - Croyez-vous que la social-démocratie sociale et l'Etat-providence aient encore un avenir après la chute du mur de Berlin?

J. K. Galbraith. - Je n'attache pas une grande importance historique à la chute du mur de Berlin. Ce sont des forces plus profondes qui ont uni l'Est et l'Ouest, fait basculer la Russie et la Chine comme les Occidentaux dans l'ère de l'économie d'entreprise.

N. O. - Comment définiriez-vous la démocratie?

J. K. Galbraith. - Par démocratie, j'entends un mode de gouvernement intelligent qui reflète les intérêts individuels et collectifs du peuple et garantit une liberté d'expression raisonnable.

N. O. - Pensez-vous qu'il faille enseigner l'économie à l'école? Et de quel genre d'“économie” devrait-il s'agir?

J. K. Galbraith. - Il me suffit que l'économie soit enseignée à des étudiants déjà dotés d'une certaine maturité.

N. O. - Tous les prix Nobel d'économie sont-ils des imposteurs?

J. K. Galbraith. - Nous devons assurément beaucoup aux éminents représentants de cette profession.

N. O. - Comment vous définiriez-vous?

J. K. Galbraith. - J'évite soigneusement de me définir.

Propos recueillis par FRANÇOIS ARMANET et JEAN-GABRIEL FREDET

Né en 1908, John Kenneth Galbraith, keynésien, partisan d'une économie généreuse, a publié de nombreux ouvrages dont “le Capitalisme américain”, 1958; “l'Ere de l'opulence”, 1961; “le Nouvel Etat industriel”, 1967 et 1989; “Brève Histoire de l'euphorie financière”, 1992. Les Editions Grasset publient cette semaine son dernier essai: “les Mensonges de l'économie”.

François Armanet

Différences de réglementations relatives à la profession infirmière en France et en Belgique: démantelement de la santé française dans le cadre de la guerre cognitive : 17 août 2005

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