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Merci à Anne Perraut Soliveres 24/11/2007 15:45

Isabelle Aubert-Baudron


Anne Perraut-Soliveres

Anne Perraut Soliveres est une infirmière cadre qui publie des textes sur sa pratique quotidienne à l'hôpital dans son blog dans le journal Libération: Tapage nocturne à l'hôpital

Le lundi 19 novembre 2007, Jean Lebrun lui a consacré une émission dans "Travaux Publics", sur France culture: "Les infirmières ont la fièvre" http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/travaux/fiche.php?diffusion_id=57574&pg=avenir

Voici le texte que je lui ai adressée en commentaire de son texte "Infirmières : un silence immaculé" http://infirmiere.blogs.liberation.fr/anne_perraut_soliveres/2007/11/infirmires-un-s.html#comments

Un grand merci à vous, Anne, ainsi qu'à votre collègue qui a si bien décrit les erreurs générées par une obligation de réaliser le travail à toute vitesse, et les conséquences judiciaires qu'il était le seul à encourir.

Merci de votre position sur la vanité d'un ordre infirmier, que je partage pleinement, et de votre authenticité, d'autant plus étonnante et méritoire pour moi qu'elle émane d'un cadre. Vous êtes le premier que j'entends qui ne se soit pas laissé formater par les écoles de cadre.

* Un système de gestion incompatible avec le respect de la vie :

Aux gens qui nous reprochent de nous plaindre, je voudrais dire ceci: Si demain vous êtes hospitalisé et que vous vous retrouvez victime d'une erreur inéluctable accomplie dans la précipitation, ou que vous tombez dans votre chambre et que personne ne réponde à votre appel parce que le personnel est déjà occupé avec une urgence, vous serez les premiers à déposer plainte contre ce dernier qui en endossera seul la responsabilité pénale, alors qu'il n'a aucun pouvoir de décision sur ces conditions de travail, et se retrouve dans le rôle du bouc émissaire.

Ce dont il est question ici, ce n'est pas seulement d'avantages sociaux, c'est de la valeur de votre vie et de la notre, rien de moins. Est-ce que votre vie est importante pour vous ? Personnellement, je ne connais rien de plus important.

Le ras le bol infirmier n'est pas un mouvement corporatiste, il est l'expression de gens qui sont formés et payés pour amener les gens qu'ils soignent à un état de mieux être et d'autonomie, tout en étant soumis parallèlement à des conditions de travail qui rendent la réalisation de cet objectif humainement impossible. Etant directement confrontés aux conséquences humaines dramatiques de ces conditions de travail sur les personnes soignées d'une part, et sur eux mêmes d'autre part dans la mesure où à l'impossible nul n'est tenu, ils arrivent à un point de rupture où le corps humain dit "stop" et refuse d'en subir davantage physiquement et psychiquement : maladie, burn out, dépression, suicide, démission, travail hors de France, départ forcé au moyen de harcèlement, de dénonciations calomnieuses et de pressions diverses envers les gens qui ne rentrent pas dans le moule : "Soit vous partez, soit vous passez en conseil de discipline et perdez tous vos droits à la retraite." A noter que les infirmiers n'ont pas le monopole de ce genre de traitement, les médecins étant logés à même enseigne. (Voir HARCELEMENT MORAL: Remake des « Remake des « Dix Petits Nègres »: Enquête sur les facteurs de mortalité et de morbidité en milieu hospitalier et propositions pour en sortir Octobre 2003 ») et « Dénonciations calomnieuses et méthodes mafieuses: quand les entreprises et les services publics deviennent des zones de non-droit »)

Alors oui, les gens qui restent ont peur et se taisent. Merci de briser le silence, Anne, vous n'avez pas idée du bien que ça fait de vous entendre ! Et merci à Jean Lebrun et France Culture de vous donner les moyens de le faire.

La solution pour laquelle j'ai opté personnellement ces dernières années dans un contexte ne permettant pas d'assurer la sécurité des soignés, solution qui m'apparaît non pas la meilleure, mais la moins inconfortable pour moi, est d'effectuer des remplacements infirmiers quand j'ai besoin d'argent et d'avoir une source de revenus parallèle en libéral dans un autre domaine, ce qui confère une certaine liberté et permet d'avoir une vue d'ensemble de la situation en observant ce qui se passe sur une somme de lieux de travail. Toutefois c'est au prix d'une précarité permanente et de revenus de l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette.

Face aux conditions de travail qui mettent en danger la santé des soignés, j'envoie une lettre de décharge de responsabilité au médecin responsable, je vois le directeur, en leur décrivant ce qui se passe et en disant que je ne peux pas travailler sérieusement dans de telles conditions, et je m'en vais. Tout en espérant trouver lors d'un prochain remplacement un lieu qui me conviendra et où je choisirai de rester, mais je ne l'ai pas encore trouvé.

* Les enseignements du passé:

J'aime mon travail, j'ai eu la chance de le faire dans un contexte privilégiant les objectifs soignants réels aux critères de rentabilité, avant la planification de la pénurie infirmière qui a commencé au début des années quatre-vingt, et dans lequel les médecins privilégiaient le respect des soignés à toute autre considération, avaient un pouvoir de décision sur les projets thérapeutiques et travaillaient en complémentarité avec tous les autres membres de l'équipe, de la femme de ménage à l'infirmier général. et on faisait du super boulot !

Les réunions de synthèses, qui rassemblaient les soignants des deux secteurs une fois par mois, étaient tellement suivies que la plus grande salle du bâtiment dans laquelle se tenaient ces réunions n'étaient pas assez grande pour les contenir tous, une partie d'entre eux étant entassés dans le couloir, les gens revenant spontanément sur leurs jours de repos. Un grand merci aux médecins grâce auxquels j'ai pu vivre cette période, qui constitue une référence par rapport au contexte actuel, dans la mesure où elles est la preuve qu'il est possible de travailler dans de bonnes conditions quand on donne aux gens les moyens de le faire. Et sur le plan de la gestion, cette organisation revenait éminemment moins chère. (Voir : « Description des conséquences de la privatisation et de l'économie de marché observées dans le secteur de la psychiatrie publique »)

* Voir les choses en termes d'avenir:

A ce point, je pense qu'il est important de prendre un peu de recul, et d'examiner ensemble la situation. Dans un premier temps, il me semble indispensable de remettre en question le système de gestion actuel, et de confronter les gestionnaires aux conséquences de leurs décisions: si, pour chaque erreur commise dans les conditions de travail décrites ci-dessus, la responsabilité et la culpabilité pénale étaient partagées entre le décideur et l'exécutant, l'administration serait contrainte de revoir sa copie.

Ensuite dire ce qui se passe est nécessaire, mais il me semble important de voir plus loin. Démissionner ? très bien, mais ensuite ? C'est un moyen de protestation, mais pas une solution d'avenir. Si j'en crois l'article de Libé sur le mouvement finlandais, le but visé est d'obtenir une augmentation de salaire. Je ne pense pas que le problème en ce qui nous concerne se résume à cela: admettons que demain les infirmières françaises obtiennent la même chose : rien n'empêchera un employeur de nous dire, comme cela se produit actuellement avec l'ancienneté : "Le budget qui m'est alloué n'est pas suffisant pour que je puisse vous embaucher, je ne peux le faire que si vous renoncez à votre ancienneté", et de faire faire le travail infirmier par des aides-soignantes ou des ASH sous-payées par rapport au travail réel qu'elles effectuent. Cela n'apportera pas d'effectifs supplémentaires.

* Les limitations, spécificités françaises:

Le système français comporte un ensemble de réglementations, de limitations d'accès à la profession de tous ordres, qui sont absentes dans d'autres pays de l'Union Européenne. Nous interprétons généralement ces limitations comme la conséquence de l'uniformisation du système européen, mais ce n'est pas toujours le cas.

Exemples :
- Pour ce qui est des effectifs infirmiers, dans une maison de retraite qui embauche 3 infirmières en France, un établissement similaire en embauche 10 en Belgique, et s'il ne respecte pas le quota, il peut être fermé dans les 48 heures. Le nombre de maisons de retraite y est beaucoup plus important qu'en France, et les prix de journée, inférieurs.

- Les IFSI (écoles d'infirmières) ont institué des concours d'entrée pratiquant une sélection drastique qui oblige les candidats à s'inscrire dans plusieurs IFSI (et à payer à chacun les droits d'inscription), pour avoir une chance d'être reçu dans un seul, alors qu'en Belgique, il suffit d'avoir son bac pour s'inscrire dans une école, comme c'était le cas auparavant en France. Conséquence: devant l'afflux d'élèves français, la Belgique a mis des quota pour limiter leur venue, ainsi qu'aux étudiants en médecine et kinésithérapeutes. (Voir « Frais d'inscription aux concours d'entrée aux IFSI et écoles d'aides-soignantes et coût des formations » )

- Il est impossible en France à un infirmier de secteur psychiatrique de travailler hors des secteurs psychiatrique et gériatrique, et à un infirmier DE de s'installer en libéral s'il vient du secteur privé, alors que les mêmes peuvent aller s'installer à leur compte en Belgique du jour au lendemain ou y travailler librement dans le domaine qu'ils choisissent, dans la mesure où leurs diplômes sont conformes aux normes européennes.

- etc.

Alors qu'est-ce qui se passe là exactement ?

Les limitations spécifiques à la France et absentes des autres pays, qui poussent les gens à aller travailler à l'étranger, n'ont pas lieu d'être et sont dépourvues de légitimité. (Voir: « Différences de réglementations relatives à la profession infirmière en France et en Belgique : démantèlement de la santé française dans le cadre de la guerre cognitive »)  Elles ne sont pas une fatalité, mais le résultat de décisions prises non pas au niveau européen, mais national.

* Cohérence ?

Ce qui est en question ici est la cohérence de l'orientation suivie depuis 1980, la cohérence des concepts introduits dans le cadre de cette orientation (diagnostic infirmier, transmission ciblées, etc.), la cohérence de la prolifération des tâches administratives (liée à la disparition des secrétaires médicales, dont le travail incombe aujourd'hui aux infirmières), la cohérence des pseudo-modèles qui structurent cette orientation (PNL et autre théorie des "énnéagrammes", qui classe les infirmières dans la catégorie de personnalité "base 2", qu'elle définit comme des gens au comportement altruiste, capables de supporter des conditions invivables sans jamais se révolter ? A noter que les mêmes critères sont appliquées aux autres professions rentrant dans la même catégorie "base 2", à savoir les gendarmes, les pompiers, les assistantes sociales, etc.).

Qu'en est-il de la cohérence d'organisations et de planifications inapplicables (Voir « Les fiches de poste: des cartes non similaires aux territoires ») et , sur un plan purement comptable, de la cohérence du gouffre financier que représente à lui tout seul ce système de gestion? On quitte ici le domaine de l'économie pour sombrer dans le charlatanisme ! Voilà ce qui s'appelle élever l'escroquerie au rang des beaux arts ou je ne m'y connais pas ! (Voir « Des dépenses de santé inutiles » , « Double facturation: A qui profite la pénurie d'infirmières? » , « Infogérance et dérégulation des services publics : Pas vu pas pris, pris pendu! »)

Là, je pose la question suivante: comment des gens qui sont incapables de traiter le personnel correctement seraient-ils en mesure de statuer correctement en matière de santé publique ? S'ils s'avèrent nuisibles pour des gens à priori sains, ils le seront d'autant plus envers des gens malades et vulnérables physiquement et psychiquement.

* Privilégier une approche réaliste et pluridisciplinaire:

Tout ceci pour dire qu'il me semble important ici de ne pas en rester au simple stade de la revendication, car il n'est pas réaliste d'attendre de pouvoirs publics, qui ne sont pas eux-mêmes confrontés aux faits dans le domaine de la santé, qu'ils nous apportent sur un plateau des solutions toutes faites dont ils auront décidé à notre place et au dessus de nous.

Les approches idéologiques me semblent à éviter, car sources de conflits inutiles, et dépourvues d'efficacité. Je préfère une approche pratique et réaliste. Ainsi nous pouvons considérer la situation telle qu'elle se présente dans les faits, et prendre en compte les moyens réels dont nous disposons effectivement, et voir ce que nous pouvons en faire ensemble.

Quand je dis ensemble, j'inclue les infirmiers, les aides-soignants, mais également les médecins, autrement dit les différents acteurs soignants qui travaillent en équipe et sont complémentaires et qui, bien que départis de leur pouvoir de décision, disposent du pouvoir, non négligeable, de faire : "Le pouvoir est fonction d'abord de l'indispensabilité de la fonction, pour l'ensemble humain considéré. Tout individu ou tout groupe d'individus non indispensables à la structure d'un ensemble n'ont pas de raison de détenir un "pouvoir", puisque cet ensemble peut assurer sa fonction sans eux." (Henri Laborit, "La Nouvelle Grille", p. 182).

Pour ne parler que des infirmiers, dans la mesure où le nombre des agents au travail est bien inférieur au nombre de gens potentiellement opérationnels (ceux qui ont quitté le métier, ceux qui en sont virés, ceux qui sont en longue maladie pour dépression, ceux qui travaillent en Belgique, en Suisse, au Canada, etc.), nous savons que la pénurie n'est que théorique: en fait, si tous les infirmiers qui sont en mesure de travailler pouvaient le faire dans des conditions correctes , le nombre d'infirmiers serait multiplié par deux. Ce qui veut dire que si l'on additionne ces gens potentiellement opérationnels, et ceux qui sont au travail actuellement et en ont ras la casquette, il y a là suffisamment de monde pour mettre sur pied nous-mêmes des structures indépendantes, privilégiant la qualité des soins et du travail , et viables sur le plan financier.

La seule condition ici, qui ne dépend que de chacun, consiste à nous réapproprier notre pouvoir de réflexion et de décision concernant notre professions, au lieu de l'abandonner à des gestionnaires dont les résultats obtenus jusqu'ici sont désastreux sur le plan humain, et ceux obtenus sur le plan financier, guère plus reluisants. (voir les rapports de la Cour des Comptes).

Le rappel à la constitution parait ici nécessaire : elle repose sur la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui est valable pour tous, y compris pour les gestionnaires. En vertu de cette constitution, le peuple est souverain, il est en droit de demander compte à tout agent public de son administration, y compris aux sociétés de gestion ou centres de formation privés employés par celle-ci, lesquels sont à notre service dans la mesure où c'est nous qui les payons, et qui sommes, par voie de conséquence, leurs employeurs réels, nos politiciens n'étant que nos représentants.

* Bases d'une restructuration:

Maintenant sur quelles bases pouvons-nous effectuer une telle restructuration ?

Le mode de gestion actuel privilégie l'aspect financier, auquel il conditionne tout le reste.

Je proposerai un autre système :

1.     déterminer les besoins humains réels parmi la population, (besoins sur le plan soignant, mais également éducatif),

2.     rassembler la somme des ressources, moyens et possibilités réels dont nous (aides-soignants, infirmiers, médecins) disposons à tous les niveaux, (humains, professionnels, financiers, autres, etc.) y compris ceux qui ne sont pas pris en compte actuellement. Prendre également en compte les possibilités du milieu, et les opportunités qu'il recèle, etc.

3.     Voir ce qu'on peut faire à partir de là,

4.     Ensuite, seulement ensuite, déterminer les dépenses réellement nécessaires et adapter le niveau financier à celles-ci. L'expérience m'a démontré qu'il était possible de réaliser des tas de choses sans argent, que procéder ainsi se révélait éminemment plus satisfaisant sur le plan humain, et beaucoup moins cher sur le plan financier : voir le travail qui était réalisé auparavant dans le cadre des associations mises en place dans les services de psychiatrie publique, associations qui ont disparu aujourd'hui.

Vous avez dit "concurrence libre et non faussée" ? Très bien, jouons le jeu : laissez-nous vous présenter une alternative organisationnelle et économique à la gestion actuelle, et nous verrons alors qui sera le plus concurrentiel.

En fait, notre intérêt rejoint ici celui des pouvoirs publics: ce n'est pas tant d'argent et de crédits dont nous avons besoin que de nous réapproprier notre travail, et qu'on nous laisse travailler en paix avec les autres membres des équipes soignantes et dans le respect des patients, sans nous empoisonner sans arrêt l'existence.

Si déjà nous pouvions obtenir cela ...........

Isabelle

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